TVA sur les données : Meta, X et LinkedIn s’allient contre l’Italie

Et si les données personnelles devenaient une monnaie ? En Italie, l’administration fiscale en est convaincue. Elle a donc décidé de taxer ces données pour les géants qui les utilisent, à savoir les réseaux sociaux. Et forcément, ces derniers ne sont pas très contents.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 22 juillet 2025 7h10
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22%L'ITalie applique une TVA de 22% au taux normal.

Le 21 juillet 2025, Meta, X (ex-Twitter) et LinkedIn ont saisi les juridictions italiennes pour contester une décision fiscale sans précédent. En qualifiant l’utilisation des données personnelles comme une contrepartie imposable, l’Italie ouvre un front inédit contre les plateformes numériques afin de les taxer. Comment ? En leur appliquant la TVA.

Une TVA sur les données : le pari radical du fisc italien

En février 2025, l’Agenzia delle Entrate – l’administration fiscale italienne – a adressé aux filiales italiennes de Meta Platforms, X Corp. et LinkedIn des lettres de redressement. Motif : ces plateformes fourniraient des services à titre apparemment gratuit, mais recevraient en échange “une contrepartie économique implicite” : les données personnelles des utilisateurs.

Selon les documents révélés par la Repubblica, l’Italie s’appuie sur une interprétation extensive de la directive européenne 2006/112/CE, en la combinant à une circulaire interne de 2023. Cette dernière propose d’inclure les plateformes gratuites dans le champ d’application de la TVA, en tant que prestations rendues contre un avantage indirect. En clair, les réseaux sociaux recevraient un bénéfice mesurable – l’exploitation commerciale des données – en échange de l’accès utilisateur.

Les chiffres avancés sont massifs :

  • 870 millions d’euros réclamés à Meta Platforms
  • 360 millions d’euros pour LinkedIn (Microsoft)
  • 245 millions d’euros pour X Corp.

Soit un total de 1,475 milliard d’euros, exigé sur la base d’une estimation de la valeur des données collectées entre 2018 et 2022.

La riposte judiciaire des réseaux sociaux : une attaque contre le principe de neutralité fiscale

Dès le 21 juillet 2025, les trois plateformes ont annoncé avoir déposé un recours formel contre la décision de l’État italien. Dans leur stratégie commune, elles dénoncent une « réinterprétation unilatérale du droit fiscal européen » et une atteinte à la sécurité juridique des entreprises opérant dans l’Union. Un représentant de Meta cité par Global Banking & Finance Review déclare : « Assimiler les données à une forme de monnaie revient à redéfinir le fondement même de la TVA. Aucune disposition européenne ne valide cette approche. »

Les avocats des plateformes mettent en avant le principe de neutralité fiscale, largement défendu par la Cour de justice de l’Union européenne. Pour eux, aucun flux monétaire, aucun paiement explicite, ni même estimation standardisée de la valeur des données n’existe à ce jour dans le droit fiscal européen. Le recours repose également sur l’absence de précédent juridictionnel comparable dans un autre État membre.

Selon Milano Finanza, les entreprises estiment que cette approche met en péril le cadre harmonisé de la fiscalité numérique et ouvrent la voie à des dérives interprétatives dangereuses pour tout l’écosystème technologique.

Vers une TVA européenne sur les données pour faire payer les réseaux sociaux ?

Au-delà du contentieux national, ce litige soulève des interrogations majeures sur l’évolution du droit fiscal européen face à l’économie numérique. Depuis 2020, plusieurs États membres réclament une modernisation des règles de TVA pour mieux encadrer les plateformes technologiques. Mais l’initiative italienne est la première à franchir le pas d’une imposition fondée uniquement sur la valeur implicite des données.

La Commission européenne n’a pas encore réagi officiellement, mais plusieurs experts fiscaux redoutent une multiplication de procédures similaires dans d’autres États, surtout à l’approche des réformes annoncées pour 2026. L’affaire pourrait rapidement se hisser jusqu’à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), devenant un cas test décisif.

Si Rome obtient gain de cause, le statut des données personnelles changera radicalement dans le droit fiscal européen. Ce ne serait plus un simple actif numérique, mais une source de valeur taxable à part entière. Avec à la clé des milliards d’euros d’impôts pour les pays européens qui sont tous à la recherche de rentrées fiscales supplémentaires.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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