Attention : Meta (Facebook) va utiliser vos données pour son IA

Meta, maison-mère de Facebook, Instagram ou encore Whatsapp, avance masqué. Derrière un discours d’adaptation culturelle et de respect du cadre légal, le géant californien vient de déclencher une vague d’inquiétudes sans précédent. L’Union européenne devient un terrain d’entraînement grandeur nature pour ses modèles d’intelligence artificielle. Sans bruit, mais pas sans conséquences.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 15 avril 2025 6h30
Désinformation : Meta mise sur ses utilisateurs pour surveiller les contenus
Attention : Meta (Facebook) va utiliser vos données pour son IA - © Economie Matin
62 MILLIARDS $Meta a enregistré un bénéfice net de 62 milliards de dollars en 2024.

Le 14 avril 2025, Meta a annoncé une décision majeure : son intelligence artificielle (IA) générative va désormais s’entraîner à partir des contenus publics des utilisateurs européens. Cette nouvelle politique, annoncée simultanément sur Facebook, Instagram et Messenger, marque un tournant dans la manière dont les données personnelles sont utilisées en Europe par une entreprise américaine.

Meta impose sa vision : une IA enracinée dans les cultures européennes

Derrière les formulations lissées de ses communiqués, Meta justifie son choix par la nécessité de construire une IA « adaptée aux spécificités linguistiques, culturelles et historiques des Européens ». Selon les déclarations officielles, l’objectif serait de créer un modèle plus pertinent pour les usages locaux. Dans son communiqué publié le 14 avril 2025, Meta affirme : « Les personnes basées dans l’Union européenne qui utilisent nos plateformes peuvent choisir de s’opposer à ce que leurs données soient utilisées à des fins d’entraînement. »

Mais de quelles données parle-t-on exactement ? Sont concernées toutes les publications publiques : textes, légendes de photos, commentaires, vidéos visibles sur Facebook et Instagram. En clair, tout ce que vous partagez volontairement, sans restriction de confidentialité.

Il ne s’agit pas uniquement des contenus, mais aussi des interactions avec Meta AI, le chatbot déployé fin mars 2025 dans l’Union européenne. Les requêtes, questions et dialogues échangés avec l’intelligence conversationnelle de Meta seront eux aussi aspirés.

WhatsApp, mineurs, messages privés : les seules lignes rouges de Meta

Face au tollé, Meta s’empresse de rappeler les exceptions prévues dans sa politique d’entraînement. Ainsi, les messages privés ne seront pas collectés : « Les conversations privées avec leurs amis et leur famille ne seront pas utilisées », a précisé l’entreprise dans son communiqué du 14 avril.

Autre exclusion affichée : les comptes de mineurs. Meta affirme que les données publiques des utilisateurs de moins de 18 ans ne seront en aucun cas exploitées. Même chose pour WhatsApp, exclue de l’initiative.

Meta promet de respecter la loi, mais...

Officiellement, Meta affirme respecter la réglementation européenne. L’entreprise invoque le règlement général sur la protection des données (RGPD), plus précisément la base légale de l’intérêt légitime. Selon elle, un avis du Comité européen de la protection des données (CEPD), rendu en décembre 2024, permettrait ce type d’entraînement sur les contenus publics.

Un choix juridique opportun ? Peut-être. Mais il est loin de faire l’unanimité. Le groupe NOYB, dirigé par Max Schrems, a d’ores et déjà annoncé ouvrir une analyse juridique sur cette décision, rappelant que l’intérêt légitime ne doit pas primer sur les droits fondamentaux des utilisateurs. Le Monde précise dans son article du 14 avril 2025 : « Meta s’appuie désormais sur une décision du Comité européen de la protection des données, qui a considéré en décembre que l’‘intérêt légitime’ pouvait constituer une base légale valable pour l’utilisation de données personnelles pour le développement et le déploiement de modèles d’IA dans l’UE. »

Intelligence artificielle : Comment empêcher Meta (Facebook) d’utiliser vos données ?

La firme californienne assure avoir mis en place un mécanisme d’opposition. Les utilisateurs recevront dans les jours à venir une notification indiquant que leurs contenus peuvent être utilisés, accompagnée d’un lien vers un formulaire de refus.

D’après Le Parisien, ce formulaire serait déjà intégré aux applications Facebook et Instagram. Une fois rempli, Meta promet de le respecter systématiquement : « Nous avons fait en sorte que ce formulaire d'objection soit facile à trouver, à lire et à utiliser, et nous honorerons tous les formulaires d'objection que nous avons déjà reçus, ainsi que ceux soumis ultérieurement. »

Sauf que ce droit au refus n’est accessible que si vous êtes actif sur la plateforme. Pas de compte ? Aucun moyen de contrôler l’usage de vos anciennes publications visibles publiquement. Autant dire que les utilisateurs inactifs ou désinscrits n’ont plus leur mot à dire.

Meta, les données des utilisateurs et l’IA : une volte-face économique sous pression des concurrents ?

Cette manœuvre n’arrive pas par hasard. En 2023, Meta avait renoncé à entraîner ses IA sur les données européennes sous la pression des régulateurs. Mais depuis, le vent a tourné. Face à Google et OpenAI, qui s’autorisent des pratiques similaires aux États-Unis, Meta semble décidé à rattraper son retard, quitte à franchir des lignes rouges sur le Vieux Continent.

« L’année dernière, nous avons retardé l'entraînement de nos grands modèles de langage à l’aide de contenus publics pendant que les régulateurs clarifiaient les exigences légales », explique Meta. Cette année, le feu est vert. La concurrence est trop rude pour rester en retrait.

Facebook : une décision à haut risque pour la vie privée en Europe

Les implications de cette stratégie dépassent la simple technique. Elles posent des questions fondamentales sur la confidentialité, le consentement, la souveraineté numérique. Les citoyens européens ont-ils été suffisamment informés ? Peut-on parler de consentement éclairé lorsque l’acceptation est intégrée par défaut, et que l’opt-out demande une action proactive peu visible ?

Le choix de Meta soulève une nouvelle fois le dilemme entre innovation technologique et respect des droits fondamentaux. En voulant adapter ses intelligences aux particularismes culturels européens, le groupe californien prétend rendre service. Mais à quel prix ? Et surtout, au profit de qui ?

L’ironie, c’est que ce sont les publications personnelles de millions de citoyens qui nourrissent désormais un moteur d’intelligence destiné à... mieux les prédire, les influencer, les comprendre. Ou les vendre. La transparence vantée par Meta suffira-t-elle à désamorcer la colère des défenseurs de la vie privée ? Rien n’est moins sûr.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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