Plombée par la chute des prix de l’électricité, EDF redéfinit sa trajectoire : recentrage sur le nucléaire national, gel des ambitions internationales et lancement d’un vaste programme industriel pour reconquérir sa souveraineté énergétique.
EDF se recentre sur le nucléaire pour infléchir sa chute

Le 24 juillet 2025, EDF a publié des résultats financiers en net repli, avec un bénéfice en chute libre de 22 % sur les six premiers mois de l’année. Ce recul brutal ne freine pas la nouvelle stratégie du groupe : concentrer ses ressources sur le nucléaire français. Cette orientation marquée traduit une réponse directe aux défis énergétiques, économiques et géopolitiques que traverse l’entreprise.
EDF recule en Bourse mais avance sur le nucléaire
La publication des résultats semestriels a confirmé l’ampleur du choc : le bénéfice net s’effondre à 5,47 milliards d’euros, soit une baisse de 22 %, tandis que l’EBITDA fléchit de 17,1 %, à 15,5 milliards d’euros. Et pourtant, la production nucléaire progresse. En hausse de 2,5 % au premier semestre, elle redevient le pilier d’un modèle industriel que le groupe entend solidifier.
Bernard Fontana, PDG depuis avril 2025, reste droit dans ses bottes : selon lui, ces résultats « sont conformes à nos prévisions ». Le dirigeant affirme que la priorité n’est plus à l’expansion, mais à la consolidation, notamment à travers une performance opérationnelle renforcée et une rigueur financière accrue.
Recentrage stratégique : le nucléaire, ou rien
EDF a brutalement gelé ses projets internationaux dans les renouvelables. Des dizaines de suppressions de postes sont envisagées dans ses antennes commerciales hors de France, tandis que plusieurs appels d’offres ont été abandonnés au Canada, en Inde ou en Pologne. Même les actifs solaires en Amérique du Nord et les parcs éoliens au Brésil sont en passe d’être cédés.
Pourquoi ce virage ? Parce que la direction veut réaffecter l’essentiel de ses ressources à un programme prioritaire : construire six nouveaux réacteurs EPR2, sur les sites de Penly, Gravelines et Bugey. Le coût estimé s’élèverait à environ 52 milliards d’euros, avec des premières mises en service attendues entre 2035 et 2037.
L’atout nucléaire face à Sizewell C : produire deux fois moins cher
EDF reste impliquée dans le projet Sizewell C au Royaume-Uni, un chantier de deux réacteurs EPR dont le coût est estimé à 45 milliards d’euros. Un défi de taille, mais aussi une leçon stratégique. Jean-Bernard Lévy, ancien président du groupe, l’affirme sans ambages : « Sizewell est un moment de bascule pour le nucléaire européen. » Ce projet, porté par l’État britannique et EDF, démontre l’urgence de rendre la technologie plus compétitive.
L’enjeu est clair : produire en France des EPR2 à un coût au moins deux fois inférieur. Cela suppose une standardisation industrielle sans faille, un pilotage financier rigoureux et une adhésion politique constante. L’État et EDF ont d’ailleurs conclu en juin 2025 un nouveau contrat stratégique de filière nucléaire, couvrant 2025 à 2028, visant 17 chantiers majeurs et 64 actions concrètes.
Une énergie locale, décarbonée, pilotable : les promesses du nucléaire
Le nucléaire permet à la France d’éviter les aléas du gaz importé, de lisser les pics de consommation et de réduire ses émissions de CO₂. Contrairement aux énergies intermittentes, il garantit une production stable et pilotable. En sortant du marché européen de l’électricité, EDF pourrait même vendre son électricité moins cher, sans passer par les mécanismes de marché qui lui impose des prix élevés pour éviter une concurrence jugée déloyale pour les autres pays. Les Français bénéficieraient ainsi d'une facture allégée.
Cette promesse repose sur un triptyque : souveraineté, compétitivité, durabilité. Elle pourrait s’incarner dans de nouveaux modèles, comme les SMR (Small Modular Reactors), dont le premier prototype français, baptisé NUWARD, est en cours de validation. Le dépôt de dossier à l’Autorité de sûreté nucléaire est prévu avant la fin 2025, pour une première construction envisagée autour de 2030.
Dans un contexte de turbulences financières, EDF fait le choix de l’ancrage. Plus question de se disperser : l’entreprise parie sur une production nucléaire nationale, consolidée, moins coûteuse, plus résiliente. Si ce recentrage est mené à bien, il pourrait bien transformer EDF en colonne vertébrale de la souveraineté énergétique française, à condition que les promesses industrielles se traduisent en résultats tangibles.