Selon la pépite française Mistral, les IA polluent plus que vous ne le croyez

Peut-on dialoguer avec une IA sans réchauffer la planète ? Mistral, la pépite française de l’intelligence artificielle, a voulu répondre à cette question en toute transparence.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 24 juillet 2025 17h00
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Selon la pépite française Mistral, les IA polluent plus que vous ne le croyez - © Economie Matin
2,5 milliardsChatGPT reçoit chaque jour 2,5 milliards de requêtes

L’empreinte carbone de l’IA : Mistral sort du bois

Mistral, société française spécialisée dans le développement de modèles de langage, a dévoilé les résultats complets de l’empreinte carbone de son IA « Mistral Large 2 ». Cette initiative tranche avec l’opacité persistante des géants du secteur comme OpenAI (créateur de ChatGPT) ou Google DeepMind, qui refusent jusqu’ici de publier leurs propres chiffres.

Fondée en 2023, Mistral s’est rapidement imposée comme l’un des fleurons européens de l’IA. Avec une stratégie de développement local, des centres de données installés en France et une approche rigoureuse de la sobriété numérique, l’entreprise souhaite démontrer qu’innovation et responsabilité peuvent aller de pair.

Un bilan carbone transparent : des chiffres bruts, des comparaisons frappantes

Les données publiées sont sans équivoque : l’entraînement de Mistral Large 2 a généré 20 400 tonnes équivalent CO₂ (tCO₂e). Cela correspond à 95 millions de kilomètres parcourus en voiture thermique, soit environ 125 allers-retours Paris-Tokyo en avion. Côté consommation d’eau, les chiffres interpellent : 281 000 m³, soit l’équivalent de 75 piscines olympiques, ont été nécessaires pour refroidir les serveurs pendant l’entraînement du modèle.

Chaque requête adressée à cette IA génère en moyenne 1,14 gramme de CO₂ et mobilise 45 millilitres d’eau. Pour le grand public, cela revient à l’empreinte d’environ cinq mètres en voiture thermique ou 55 secondes de vidéo en streaming, selon les données croisées de l’ADEME et de Mistral. Autrement dit, une seule requête n'a qu'un coût très faible. En revanche, lorsqu'on cumule toutes les requêtes, la somme en devient impressionnante.

L’un des cofondateurs précise que « Ces chiffres doivent permettre aux utilisateurs de faire des choix éclairés. » Ce n’est pas un hasard si l’entreprise a travaillé avec Carbone 4, cabinet français de référence en stratégie carbone, et l’ADEME (Agence de la transition écologique) pour bâtir une méthodologie rigoureuse, alignée sur les normes européennes.

Sobriété énergétique : un modèle alimenté à l’électricité peu carbonée

Un point distingue nettement Mistral des acteurs américains : son recours à une électricité très faiblement carbonée. Grâce au mix énergétique français — porté à 63 % par le nucléaire — les data centers de Mistral, implantés dans l’Hexagone, bénéficient d’une intensité carbone très faible. Cela permet à l’entreprise de limiter considérablement les émissions indirectes liées à l’utilisation des serveurs.

À l’inverse, Google a vu ses propres émissions carbones augmenter de 48 % entre 2019 et 2024. Ces hausses s’expliquent principalement par le développement intensif de l’IA générative, alimentée par une électricité souvent issue de sources fossiles dans certaines régions américaines.

Des chiffres, mais surtout un appel à la régulation

En plus de publier son propre bilan, Mistral appelle à la création d’un cadre réglementaire global et harmonisé pour évaluer l’impact des IA. L’objectif est clair : rendre obligatoire la publication régulière de l’empreinte environnementale de chaque modèle, afin d’éviter le greenwashing ou les approximations méthodologiques.

Mistral plaide pour que les entreprises IA publient systématiquement leurs données de consommation énergétique, d’eau, de matières premières et d’émissions de gaz à effet de serre.

Et si chaque message à ChatGPT émettait du CO₂ ?

À titre d’exemple, si l’on applique les chiffres de Mistral aux volumes d’utilisation de ChatGPT — environ 2,5 milliards de requêtes quotidiennes — cela représenterait 2 850 tonnes de CO₂ par jour, soit plus d’un million de tonnes par an. L’équivalent de 400 000 voitures roulant une année complète.

Ces ordres de grandeur montrent à quel point le choix de l’infrastructure énergétique est crucial. Déployer une IA dans un pays à forte part d’énergie fossile est beaucoup plus émetteur que de le faire en France, où le nucléaire et les énergies renouvelables limitent l’impact.

Une responsabilité partagée : utilisateurs, développeurs, États

Mistral insiste enfin sur le rôle des usagers eux-mêmes, qui doivent être sensibilisés aux impacts environnementaux invisibles de leurs interactions numériques. La société rappelle que « chaque demande adressée à une IA a un coût écologique. C’est pourquoi la sobriété ne peut plus être une option. »

À ce jour, seuls quelques acteurs – dont Hugging Face, Anthropic ou Stability AI – commencent à emboîter le pas de Mistral en publiant certains indicateurs partiels. Mais sans obligation réglementaire, la transparence reste l’exception.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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