Le gouvernement retire un texte sur le CumCum après les critiques du Sénat

Le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a annoncé le 24 juillet, une décision inattendue. Le retrait pur et simple d’un texte d’application portant sur la fiscalité des dividendes. Ce document, censé encadrer la lutte contre le CumCum, provoquait depuis plusieurs semaines une vive contestation au Sénat. En cause, des formulations jugées trop permissives qui menaçaient de vider la réforme fiscale de sa substance.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 25 juillet 2025 12h30
Le gouvernement retire un texte sur le CumCum après les critiques du Sénat
Le gouvernement retire un texte sur le CumCum après les critiques du Sénat - © Economie Matin

La genèse remonte au vote du budget 2025, dans lequel les sénateurs avaient introduit une disposition censée mettre un terme à une manœuvre d’évasion fiscale bien connue des milieux financiers : le CumCum. Ce mécanisme, qui consiste à transférer temporairement des actions à un résident français au moment du versement de dividendes afin d’éviter la retenue à la source, coûte chaque année plusieurs centaines de millions d’euros à l’État. Mais l’administration fiscale, via son texte d’application, introduisait des exceptions notables. Ainsi, les « marchés réglementés » pouvaient s’y soustraire, tout comme les établissements déclarant ne pas connaître les bénéficiaires effectifs des dividendes.

Le Sénat hausse le ton contre Bercy

La réaction du Sénat ne s’est pas fait attendre. Jean-François Husson, sénateur Les Républicains, fustige un texte qui trahit l’intention du législateur. À ses yeux, il s’agissait ni plus ni moins d’un « signal fort de défiance vis-à-vis de la souveraineté parlementaire ». Le retrait annoncé ce jeudi 24 juillet a d’ailleurs été qualifié de « victoire » pour le Parlement. Même constat pour Éric Coquerel (La France insoumise), président de la commission des Finances à l’Assemblée nationale, qui déclarait le 8 juillet 2025 à l’AFP via Huffington Post : « Bercy n’a pas adopté la loi votée mais la loi telle qu’il voulait l’amender ».

Une déclaration sèche, révélatrice de la fracture entre technocratie fiscale et élus de la Nation. La colère sénatoriale n’était pas un simple coup de semonce. Dans un communiqué du 24 juillet 2025, la commission des Finances du Sénat affirme que « la pleine effectivité du dispositif législatif a été rétablie », saluant une marche arrière nécessaire pour garantir l’équité du système.

Un lobbying bancaire en filigrane du texte initial

Mais pourquoi l’administration fiscale avait-elle introduit de telles exceptions ? Une enquête du Monde publiée le 19 juin 2025 apporte un début de réponse. Selon le quotidien, la Fédération bancaire française (FBF) aurait activement influencé la rédaction du texte. Des courriels internes à Bercy évoquent des demandes spécifiques visant à ménager certaines pratiques bancaires.

« C’est le lobby bancaire lui-même qui a demandé à Bercy de prévoir ces cas de non-application de l’impôt », révélait Le Monde. Le document initial aurait ainsi intégré ces « suggestions » au détriment de l’objectif affiché : enrayer le siphonage fiscal exercé par les acteurs étrangers, souvent institutionnels, aux dépens du budget national.

Le gouvernement contraint à publier un nouveau texte

Le ministre de l’Économie Éric Lombard a donc dû entériner ce revirement. Devant les représentants du Sénat, il a déclaré ce jeudi 24 juillet : « J’ai décidé de retirer le texte en question », reconnaissant que « le texte initial du Sénat était suffisamment précis pour ne pas avoir à le modifier ».

Le nouveau texte, débarrassé des brèches fiscales contestées, doit être publié sous peu. Il reste désormais à observer si sa mise en œuvre sera conforme à l’objectif législatif : mettre fin de manière effective aux pratiques d’arbitrage de dividendes par transfert temporaire de titres.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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