Nos prévisions de croissance supérieures au consensus reflètent notre conviction que les droits de douane ne sont pas les seuls moteurs de l’activité : les économies occidentales font face aux turbulences commerciales à partir de bases relativement solides. Néanmoins, un ralentissement est probable d’ici la fin de l’année.
Macroéconomie : Résilience
Etats-Unis : croissance solide malgré les obstacles
Après un premier trimestre difficile, marqué par un recul du commerce net, le deuxième trimestre s’annonce plus dynamique. La croissance du PIB a été révisée à la hausse à 3 % en rythme annualisé (contre -0,2 % au premier trimestre), et notre prévision annuelle atteint désormais 1,7 %, au-dessus du consensus. Cette révision traduit une perspective de croissance plus équilibrée, portée par une trêve commerciale entre les États-Unis et la Chine, des recours juridiques contre la politique tarifaire de Trump et une relance budgétaire potentiellement anticipée.
Le marché du travail reste solide, bien que des signes de ralentissement apparaissent. Le taux de chômage est resté stable à 4,2 % en mai, et la croissance des salaires est restée soutenue à 3,9 %, soutenant la consommation. Les ventes au détail ont reculé de 0,9 % en mai, mais hors automobiles et carburants — affectés par le revirement des achats anticipés liés aux tarifs des mois précédents— les ventes de base ont progressé de 0,4%, contre -0,1 % en avril.
Les droits de douane demeurent un facteur clé. Leur impact sur l’inflation officielle reste modéré (2,4 % sur un an en mai), mais une enquête de la Réserve fédérale (Fed) de New York indique que de nombreuses entreprises ont augmenté leurs prix, y compris sur des produits non concernés par les droits de douane. L’impact inflationniste complet est retardé par l’accumulation anticipée d’inventaires et une compression des marges, mais devrait se matérialiser d’ici juillet 2025. Les anticipations d’inflation à un an ont nettement augmenté, mais restent stables à plus long terme.
La Fed devrait réduire ses taux à 4 % d’ici fin 2025, puis à 3,5 % en 2026. Par ailleurs, la stratégie tarifaire de Trump a rencontré un obstacle juridique : un tribunal fédéral a jugé certaines mesures illégales. Si les droits restent en vigueur en attendant l’issue judiciaire, cette incertitude illustre les limites du pouvoir exécutif. La guerre commerciale devrait s’atténuer progressivement, avec un tarif moyen sur les importations américaines stabilisé autour de 15 %.
Zone Euro : optimisme prudent
L’économie de la zone euro a progressé de 0,6 % au premier trimestre 2025, soit le double des estimations initiales. L’Irlande a mené la croissance avec une hausse de 9,7 %, suivie par l’Espagne (+0,6 %) et l’Allemagne (+0,4 %). L’investissement fixe a bondi de 1,8 %, porté par des achats d’équipement anticipés avant de nouveaux droits de douane, la baisse des taux de la BCE, et un rebond de l’investissement immobilier.
Si le secteur des services ralentit, la confiance s’améliore dans l’industrie, soutenue par une meilleure utilisation des capacités et un accès au crédit plus fluide. Néanmoins, les incertitudes commerciales pourraient peser sur l’investissement et la production. La résilience du PIB pourrait s’estomper dès le second trimestre, mais nous ne prévoyons plus de récession au second semestre. Les pressions inflationnistes s’atténuent, grâce à un euro plus fort, une modération des prix à la production et une baisse des risques de représailles tarifaires. Selon l’indice de la BCE, la croissance des salaires devrait tomber à 1,7 % d’ici fin 2025, contre 5,4 % un an plus tôt. Dans ce contexte, la BCE a réduit ses taux à 2 % en juin, et les marchés anticipent une nouvelle baisse à 1,75 % d’ici décembre — une trajectoire que nous partageons.
En France, la croissance est restée modérée, portée par la consommation des ménages, soutenue par le rattrapage de l’indexation des retraites et des revenus financiers élevés. En Allemagne, de nouvelles mesures fiscales viennent d’être annoncées, dont un « booster d’investissement » basé sur un amortissement accéléré (jusqu’à 75 % pour les véhicules électriques à partir du 30 juin). Parmi les autres mesures figurent une baisse de la TVA dans le secteur de la restauration ainsi qu’une réduction des taxes sur l’électricité. Selon l’Institut allemand de l’économie, ces mesures offriront un allègement net de 12 milliards d’euros (0,26 % du PIB) pour les ménages et les entreprises.
Marchés émergents : dynamiques divergentes
En Chine, la croissance a ralenti à 1,2 % au premier trimestre 2025 (après 1,6 % au quatrième trimestre 2024). Les autorités ont intensifié les mesures de soutien à la demande intérieure. En mai, les ventes au détail ont surpris à la hausse (+6,4 % en glissement annuel), tout comme la production industrielle (+5,8 %). La désinflation persiste, avec une baisse des prix à la consommation de 0,1 % et une chute des prix à la production de 3,3 %.
L’Inde s’impose comme la locomotive des marchés émergents. Le PIB a bondi de 7,4 % en glissement annuel au premier trimestre 2025, bien au-dessus des attentes. Le pays devrait dépasser le Japon pour devenir la quatrième économie mondiale.
Les tensions au Moyen-Orient ont fait grimper les prix du pétrole au-dessus de 70 dollars le baril. Si les prix atteignaient 90 à 100 dollars, cela exercerait une pression sur l’inflation américaine. En Europe, l’effet serait atténué grâce à une fiscalité plus élevée sur les carburants, repoussant le seuil critique à environ 100 dollars. Toutefois, les hausses de production prévues par l’OPEP+ devraient limiter cette envolée.