CO₂ capté à bord et transféré : vers une bourse maritime du carbone ?

Un échange discret entre deux coques, mais un potentiel financier immense : à Yangshan, le tout premier transfert ship-to-ship de CO₂ liquéfié dessine les contours d’un nouveau marché mondial du carbone. Une architecture flottante qui pourrait bien bouleverser les règles.

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By Amandine Leclerc Published on 1 juillet 2025 15h00
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CO₂ capté à bord et transféré : vers une bourse maritime du carbone ? - © Economie Matin
99,9 %Ce CO₂ liquéfié, affichant un taux de pureté de 99,9 %, a été extrait directement à bord grâce à des systèmes de capture carbone embarquée.

Capture, transfert, valorisation : l’émergence d’une supply chain offshore du carbone

Le 25 juin 2025, au large de Shanghai, le terminal de Yangshan a été le théâtre d’un acte inédit dans l’économie circulaire maritime : un transfert ship-to-ship de CO₂ liquéfié capté directement à bord d’un porte-conteneurs, selon un schéma conçu par SMDERI-QET, filiale de la China State Shipbuilding Company (CSSC).

Dans les faits, il ne s’agit pas simplement d’un exploit technologique. C’est l’émergence d’un nouveau segment économique fondé sur la valorisation du CO₂ comme matière première logistique. L’objectif affiché : déployer une chaîne de valeur intégrée, de la capture embarquée à l’exportation vers des zones de stockage ou de réutilisation, en contournant les infrastructures portuaires conventionnelles.

La Chine structure un marché logistique à haute intensité carbone

Ce CO₂ liquéfié, affichant un taux de pureté de 99,9 %, a été extrait directement à bord grâce à des systèmes de capture carbone embarquée (OCCS), avant d’être conditionné pour transfert maritime. Selon l’article de Mer & Marine, le rendement de captation excède 80 %. « Le taux de captation dépasse 80 %, pour un CO₂ liquéfié d'une pureté de 99,9 % », écrit le média.

La China State Shipbuilding Company, via SMDERI-QET, anticipe ici la consolidation d’un réseau mondial d’échanges de CO₂ liquéfié, qui fonctionnerait à l’image d’un marché parallèle aux hydrocarbures, avec ses hubs, ses tankers, ses normes techniques. L'enjeu est à la fois environnemental et industriel : une infrastructure flottante permet de s’émanciper des ports surchargés ou inadaptés à la gestion du CO₂.

Cette logistique sans quai, fondée sur le transfert STS, devient un levier de compétitivité pour les pays capables de capter et d'exporter du carbone industriel captif. WorldCargo News confirme que cette stratégie s’aligne sur la volonté chinoise de préempter les futures routes du carbone en mer.

Normes, régulation, interopérabilité : les bases d’un futur marché carbone fluide

Ce système ne tient que s’il devient interopérable à l’échelle mondiale. Pression de température, conditions de manutention, classification du CO₂ par pureté : les normes logistiques internationales devront être redéfinies pour garantir une fluidité des échanges.

Dans ce contexte, le CO₂ liquéfié devient une marchandise stratégique, dont la fiscalité, la valorisation et les quotas devront être négociés à l’OMI, dans les accords bilatéraux, voire sur des bourses carbone maritimes encore inexistantes. La réglementation carbone ne sera plus seulement terrestre ; elle devra intégrer ces nouvelles routes.

En posant la première brique de cette architecture, la Chine ne se contente pas d’innover : elle s’approprie la position de référence dans la future économie maritime du CO₂. Un pas de géant, discret mais structurant.

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