Dette française : pourquoi l’État paie désormais plus cher que l’Italie

Depuis le 6 juillet 2025, la France paie officiellement plus cher que l’Italie pour financer sa dette sur les marchés financiers. Un séisme discret, mais aux conséquences économiques lourdes. Le ministre du Budget, Éric Lombard, l’a affirmé sans ambages : « La France emprunte à des taux plus élevés que l’Italie ».

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 7 juillet 2025 8h39
Barnier, charge de la dette, dette, France, intérêt, censure
Censure de Barnier : la dette va s'enflammer - © Economie Matin
3,5%À la mi-juin 2025, le taux des obligations à dix ans italiennes est tombé à 3,5 %

Italie-France : l’écart de taux s’inverse, le coût de la dette de la France explose

Ce basculement intervient alors que les chiffres s’accumulent. Selon le dernier rapport de la Banque de France, le taux moyen auquel emprunte l’Agence France Trésor (AFT) est de 2,91 % pour 2024, contre des taux négatifs en 2021. Cette remontée brutale renchérit mécaniquement la charge des intérêts. En 2023, la France a versé 53 milliards d’euros uniquement pour rembourser les intérêts de sa dette. En 2020, cette charge était encore inférieure à 30 milliards d’euros. Soit une hausse de 23 milliards d’euros en trois ans, à effort budgétaire constant.

À la mi-juin 2025, le taux des obligations à dix ans italiennes est tombé à 3,5 %, avec un écart de rendement face à l’Allemagne sous la barre des 100 points de base, souligne Reuters. Pendant ce temps, la France voyait son propre spread s’élargir. Sur certaines maturités, notamment à trois ans, Paris paie plus que Rome. Une situation qualifiée par l’économiste italienne Silvia Ardagna de « bond renaissance italienne ».

Comment expliquer ce renversement ? Les marchés ne jugent pas que sur le niveau d’endettement. Ils évaluent la trajectoire, la crédibilité des ajustements budgétaires, la cohérence des politiques économiques. L’Italie, malgré ses déséquilibres historiques, a bénéficié d’une plus grande stabilité perçue. À l’inverse, les doutes persistent sur la capacité de la France à maîtriser ses comptes. Le ministre Éric Lombard évoque sans détour cette perte de crédibilité : « Il faudra consacrer 67 milliards d’euros au remboursement de la dette. C’est plus que le budget de la Défense. Dans trois ans, ce sera 100 milliards d’euros », rapporte Capital.

Le poids des intérêts : vers un engrenage budgétaire incontrôlable ?

L’alerte ne vient pas seulement des politiques. La Banque de France et la Commission européenne tirent les mêmes conclusions. Le dernier rapport de Bruxelles prévoit une dette française à 116 % du PIB dès 2025, et 118,4 % en 2026. Moody’s anticipe même 120 % en 2027 selon le Financial Times. Les intérêts versés chaque année représenteront alors 2,5 % à 3,3 % du PIB pour la France. Dans deux ans, ils pourraient égaler le budget de l’Éducation nationale selon la Banque de France.

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, n’a pas cherché à rassurer. Il dénonce une trajectoire « hors normes », et évoque l’urgence d’une révision des politiques budgétaires. Lors des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, il a rappelé que 57 % de la dette française est détenue par des créanciers étrangers, un niveau bien supérieur à la moyenne européenne. Ce facteur expose le pays à des arbitrages extérieurs plus volatils, plus brutaux. L’inquiétude est donc double : structurelle et conjoncturelle.

Dette : Quelles marges de manœuvre pour éviter la spirale ?

Le gouvernement tente de contenir l’incendie par des messages fermes. Mais les marchés scrutent les actes plus que les mots. Or, les chiffres ne mentent pas. Selon l’INSEE, la dette publique française a atteint 3 345,8 milliards d’euros au premier trimestre 2025, soit 114 % du PIB. Surtout, elle a progressé de 40,5 milliards d’euros en seulement trois mois. À ce rythme, même un gel des dépenses ne suffira pas à inverser la dynamique.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

No comment on «Dette française : pourquoi l’État paie désormais plus cher que l’Italie»

Leave a comment

* Required fields