Voiture électrique : l’État tente de convaincre des Français encore sceptiques

Les annonces s’accumulent, les chiffres s’envolent, les intentions sont louables. Pourtant, sur le terrain, la voiture électrique reste à quai. Face à la lenteur des usages et au scepticisme croissant, le gouvernement sort l’artillerie réglementaire pour tenter de remettre le courant.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 20 mai 2025 9h30
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Voiture électrique : l’État tente de convaincre des Français encore sceptiques - © Economie Matin
400 000 points de rechargeLe gouvernement veut atteindre 400 000 points de recharge ouverts au public d’ici 2030

Le 17 mai 2025, le gouvernement a levé le voile sur un ensemble de mesures destinées à accélérer le déploiement de la voiture électrique en France. Objectif officiel : répondre à la promesse européenne de neutralité carbone tout en rattrapant un retard devenu embarrassant en matière d’infrastructures. Mais derrière les effets d’annonce, une question s’impose : ces mesures suffiront-elles à faire sauter les résistances des automobilistes français ?

Plus de bornes, des horaires malins et un réseau à dompter

C’est devenu une obsession ministérielle : multiplier les bornes, vite et bien. L’objectif est clair : atteindre 400 000 points de recharge de voitures électriques ouverts au public d’ici 2030, dont 50 000 bornes à haute puissance, selon le ministère de la Transition écologique. Un objectif ambitieux, qui suppose de tripler l’existant et de quadrupler les puissances disponibles.

Pour y parvenir, le programme Advenir distribue des aides financières aux entreprises, copropriétés et bailleurs sociaux, dans le but de débloquer les réticences au raccordement. Enedis, de son côté, promet d’accélérer le raccordement des bornes de voitures électriques à un rythme jamais vu.

Mais l’enjeu n’est pas seulement quantitatif. Le gouvernement a annoncé l’instauration d’heures "super-creuses" dès novembre 2025, entre 2h et 5h du matin, ainsi que sur les plages diurnes où l’électricité solaire est abondante. Cette fenêtre tarifaire permettrait de recharger à moitié prix. Un simulateur de coût public est aussi en préparation.

Une promesse tarifaire qui masque des freins structurels

Le tableau pourrait sembler idyllique. Et pourtant. Selon une enquête OpinionWay relayée par ENGIE, 67 % des Français estiment que l’insuffisance de bornes reste un frein déterminant. 51 % dénoncent un maillage territorial incohérent, où les déserts de recharge de voitures électriques rivalisent avec les embouteillages de stations urbaines.

À cela s’ajoute un facteur déterminant : le prix d’achat. Les modèles électriques, bien que de plus en plus nombreux, restent réservés aux ménages les plus aisés. Sans voiture thermique en complément, difficile d’envisager les longs trajets : autonomie réduite, temps de recharge de vingt minutes (contre cinq pour un plein), allongement drastique du temps de parcours.

L’image d’un véhicule encore élitiste et peu fiable

L’écart se creuse entre la communication institutionnelle et la réalité perçue. D’un côté, l’État déroule ses chiffres, ses incitations, ses plateformes d’information. De l’autre, les automobilistes évaluent des contraintes quotidiennes bien concrètes : difficulté d’installation dans les copropriétés, défaut d’interopérabilité entre opérateurs, complexité d’usage, voire pannes plus fréquentes que sur les voitures thermiques.

Et ce n’est pas tout. Les constructeurs eux-mêmes s’inquiètent. Selon l’ACEA, le rythme actuel de déploiement des bornes est trois fois trop lent pour atteindre les objectifs de réduction de CO2 fixés à l’horizon 2030.  65 millions de bornes seraient nécessaires en Europe d’ici là, soit plus du double des estimations de la Commission européenne.

Quand la transition se heurte au terrain

« Nous devons déployer plus vite et plus massivement pour éviter que la voiture électrique ne devienne un symbole raté de la transition énergétique », alerte Sigrid de Vries, directrice de l’ACEA. Le gouvernement tente donc de réconcilier ambitions climatiques et usages quotidiens. La création d’une base de données publique sur les prix et la disponibilité des bornes, le développement de la recharge bidirectionnelle (qui permet aux véhicules de restituer de l’énergie au réseau) et l’instauration de contrôles réglementaires sur les opérateurs sont autant de signaux envoyés pour structurer le marché.

Mais tant que l’offre ne répondra pas à la réalité des besoins et des moyens des Français, le doute persistera. Un doute renforcé par les inégalités territoriales, le prix du neuf, et la nécessité – pour beaucoup – de disposer d’un second véhicule thermique pour les longs trajets.

Le plan gouvernemental multiplie les annonces et les dispositifs, mais ne suffira pas à faire taire les critiques sans une amélioration visible et tangible de l’expérience utilisateur. Entre promesse politique et réalité du bitume, la voiture électrique reste pour l’instant le véhicule d’une classe sociale minoritaire, dont la généralisation suppose bien plus qu’un coup de pouce tarifaire : une révolution logistique, industrielle… et mentale.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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