L’Union européenne veut soutenir le Royaume-Uni et le Canada avec son fonds pour la défense

L’Union européenne ouvre aux industriels britanniques et canadiens un accès à son ambitieux fonds de défense. Une décision stratégique, mais lourde de conséquences pour les entreprises françaises.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 8 juillet 2025 9h20
L Union Europeenne Veut Soutenir Le Royaume Uni Et Le Canada Avec Son Fonds Pour La Defense
L’Union européenne veut soutenir le Royaume-Uni et le Canada avec son fonds pour la défense - © Economie Matin
150 milliardsL'Union européenne débloque 150 milliards d'euros pour financer la production de matériel de défense.

Le 8 juillet 2025, l'Union européenne franchit une étape décisive en élargissant l’accès à son fonds de défense à deux grandes puissances non membres : le Royaume-Uni et le Canada. Ces accords bilatéraux, prévus pour entrer en vigueur dès la fin du mois de juillet, permettent aux entreprises de ces deux pays de participer aux marchés publics européens financés par un fonds de 150 milliards d'euros, destiné à soutenir la production d'équipements militaires.

Un fonds colossal au cœur de la stratégie industrielle de l’Union européenne

Le 8 juillet 2025, plusieurs sources diplomatiques ont confirmé que l’Union européenne s’apprêtait à signer des accords bilatéraux avec le Royaume-Uni et le Canada, ouvrant à ces deux pays l’accès au fonds de prêts européen de 150 milliards d’euros dédié à la production d’équipements de défense. Ce mécanisme financier, mis en place par la Commission européenne, vise à mutualiser les achats militaires entre États membres, mais aussi à réduire la dépendance militaire vis-à-vis des États-Unis.

En théorie, ce fonds devait être réservé aux seules entreprises européennes. Mais Bruxelles, dans une logique de renforcement de partenariats stratégiques, s'apprête à franchir un seuil symbolique en l’élargissant à deux alliés transatlantiques non membres de l’Union européenne.

Le Royaume-Uni et le Canada intègrent les marchés publics de l’Union européenne

Dès la fin juillet, les entreprises du Royaume-Uni et du Canada pourront postuler à des appels d’offres financés par ce fonds de prêts. L’enjeu est de taille : ce dispositif permet aux pays impliqués d’accéder à des financements à taux réduit grâce aux capacités d’emprunt de la Commission, dont les taux sont inférieurs à ceux de vingt des vingt-sept États membres.

Ce changement intervient dans un contexte de réarmement massif. Bruxelles projette un investissement total de 800 milliards d’euros sur quatre ans, dont une part importante sera consacrée à des projets conjoints (par exemple entre la France et l’Ukraine). Par ailleurs, des négociations sont en cours pour intégrer l’Islande dans un accord similaire, démontrant la volonté de l’Union d’élargir encore le cercle des bénéficiaires.

L’industrie française face à une concurrence accrue et déséquilibrée

Cette ouverture marque un tournant géopolitique, mais inquiète fortement le tissu industriel français. Déjà confrontées à une concurrence féroce à l’intérieur de l’Union, les entreprises hexagonales pourraient voir leur position affaiblie. Contrairement à d’autres pays européens, la France applique rigoureusement les règles de non-préférence nationale dans ses marchés publics, ce qui désavantage mécaniquement ses acteurs industriels.

Ce sentiment d’injustice est d’autant plus fort que le Royaume-Uni et le Canada pourront désormais bénéficier d’un effet de levier financier sans avoir à respecter les mêmes contraintes budgétaires ou réglementaires. Le Canada, par exemple, s’est vu ouvrir l’accès au programme européen SAFE (Standardisation and Acquisition for European Defense), sans y être soumis aux obligations internes des Vingt-Sept.

Vers une recomposition du paysage stratégique européen ?

L’argument avancé par Bruxelles repose sur la nécessité de garantir une souveraineté militaire européenne, en réponse aux déclarations répétées de Donald Trump sur le désengagement militaire américain en Europe. Mais cette ambition, louable sur le papier, risque de provoquer un déséquilibre dans les chaînes de valeur industrielles déjà fragiles.

« C’est le moment de renforcer le rôle du Canada dans l’architecture de défense européenne en rapide évolution », déclarait Ursula von der Leyen le 16 juin 2025 lors du sommet du G7 en Alberta. L’élargissement du programme SAFE à Ottawa s’accompagne également d’une volonté affirmée de diversification commerciale et technologique entre les deux blocs.

Un enjeu industriel aussi stratégique que politique

En donnant aux industriels non-européens l’accès à des financements communautaires, l’Union européenne trace une nouvelle ligne dans le sable. Si ce geste diplomatique consolide des alliances géopolitiques, il pourrait aussi créer des fractures industrielles à l’intérieur même de l’Union.

La France, dont les entreprises peinent déjà à faire face à la concurrence intra-européenne, devra adapter sa stratégie. Faute de quoi, ses fleurons de la défense risquent de perdre encore du terrain dans un marché désormais ouvert mondialement.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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