Retard de paiement : Bercy sort l’artillerie lourde contre les mauvais payeurs

En 2025, les retards de paiement atteignent des niveaux records, étranglant la trésorerie des petites entreprises. Face à ce fléau, Bercy prépare un durcissement spectaculaire des sanctions. Détails.

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By Amandine Leclerc Published on 15 juillet 2025 17h23

Le 11 juillet 2025, la ministre déléguée chargée des PME, Véronique Louwagie, a levé le voile sur un projet de réforme radical visant à enrayer le retard de paiement systémique qui asphyxie les petites structures. L’Observatoire des délais de paiement, dans son rapport publié le 10 juillet, révèle un recul inquiétant : en moyenne, les règlements sont effectués avec 13,6 jours de retard, une dégradation continue depuis la sortie de crise sanitaire. Cette situation, qui pénalise lourdement la trésorerie des entreprises, pousse l’État à renforcer sa riposte.

Sanctions entreprises : la ligne dure de Bercy

C’est un constat accablant. Selon la Banque de France, seules 50 % des grandes entreprises respectent les délais de paiement légaux fixés à 60 jours. Dans les structures de plus de 1 000 salariés, les retards atteignent 18 jours. En revanche, les TPE et PME font preuve de civisme : deux sur trois règlent leurs fournisseurs à temps.

Mais ces bons élèves paient le prix fort. Les retards provoquent un trou de trésorerie estimé à 15 milliards d’euros, d’après le rapport 2024 de l’Observatoire. Une perte sèche pour les petites structures, qui doivent parfois compenser ces décalages en recourant à des lignes de crédit coûteuses — quand elles y ont accès.

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), dans son rapport d’activité, rappelle que ces comportements ne relèvent pas seulement de la négligence : « défaillances d’organisation comptable (…) ou méconnaissance du code du commerce » sont évoquées, mais aussi des pratiques délibérées visant à utiliser le délai comme un crédit gratuit.

Vers des amendes à 1 % du chiffre d'affaires mondial

La ministre Véronique Louwagie a annoncé sa volonté de relever fortement le plafond des amendes, aujourd’hui limité à 2 millions d’euros, une somme dérisoire pour des géants industriels. Citroën, récemment condamnée à 640 000 euros, et Europcar France, sanctionnée à hauteur de 445 000 euros, auraient vu leur amende atteindre plusieurs millions d’euros si le nouveau barème avait été appliqué.

« Je souhaite que les contrôles soient renforcés et que les plafonds des sanctions soient largement rehaussés, par exemple jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires mondial », a déclaré Véronique Louwagie. Une position qui rejoint celle portée par la proposition de loi du sénateur Olivier Rietmann (LR), président de la délégation sénatoriale aux entreprises. Ce texte pourrait être débattu dès la rentrée parlementaire de septembre.

La ministre affirme avoir obtenu un consensus de principe des organisations patronales. « Du Medef à l’Union des entreprises de proximité, en passant par la Confédération des PME, tous se sont montrés d’accord », indique son cabinet.

Trésorerie des entreprises : une urgence économique et morale

Le rapport souligne aussi une hausse de 18,5 % des anomalies détectées par la DGCCRF en matière de délais de paiement. Pour y remédier, un travail pédagogique a été engagé, avec notamment la publication d’un guide de bonnes pratiques par l’Observatoire des délais de paiement, à destination des acteurs publics et privés.

Du côté de l’État, des progrès sont constatés : 90 % des règlements sont effectués en moins de 30 jours, avec un délai moyen de 14,2 jours. Mais les établissements publics de santé déçoivent : en 2024, ils affichaient 63,4 jours en moyenne en métropole et jusqu’à 121,5 jours en Outre-mer, largement au-delà des seuils réglementaires.

« Les PME sont les premières à payer et les dernières à l’être. Ce n’est pas normal. Nous devons agir, c’est une question de justice économique », a martelé Véronique Louwagie.

Le crédit interentreprises sous tension

À l’heure où la trésorerie devient une ressource stratégique, cette réforme s’impose comme un signal fort à l’adresse des grands groupes. Le retard de paiement, bien plus qu’un dysfonctionnement administratif, est désormais traité comme un levier financier déloyal, voire une méthode de prédation économique. L’initiative portée par Bercy marque un tournant. Reste à voir si la sanction proportionnelle au chiffre d’affaires mondial saura briser la logique de tolérance.

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