Pour la première fois, un distributeur automobile a été mis en examen dans l’affaire des airbags Takata, le 27 mars 2025, sur le territoire national. L’affaire, relancée après un accident grave survenu à La Réunion le 6 mai 2020, soulève des interrogations majeures sur la gestion des rappels et la responsabilité des distributeurs. L’entreprise visée est Leal Réunion, un acteur local de la distribution BMW.
Airbags Takata : un distributeur français mis en examen après un accident

Airbags Takata : un danger identifié tardivement
Le scandale des airbags Takata a déjà fait couler beaucoup d’encre à l’international. Ces coussins de sécurité, censés protéger les conducteurs, sont devenus des menaces mortelles en raison d’un défaut de conception. Le déploiement brutal des airbags pouvait provoquer des projections de fragments métalliques, occasionnant des blessures graves, voire des décès.
À La Réunion, le 6 mai 2020, l’explosion de l’airbag d’une BMW 318i a grièvement blessé un conducteur au visage. Cette blessure sera à l’origine de la première mise en examen française dans cette affaire. Le juge d’instruction de Saint-Pierre a estimé que Leal Réunion avait failli à ses obligations en ne procédant pas au rappel ou au retrait du véhicule concerné, malgré l’identification du risque.
La mise en examen du distributeur : une première en France
La décision judiciaire est inédite, le distributeur Leal Réunion est visé pour « blessures involontaires » et « violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence ». Cette mise en cause repose sur le fait que le distributeur n’aurait pas informé à temps la victime des risques encourus, ni procédé au rappel du véhicule en question.
Dans un interrogatoire daté du 27 mars 2025, dont l’AFP a eu connaissance, l’un des dirigeants de Leal a déclaré : « La dangerosité de ces airbags Takata n'était pas clairement établie » et ajouté que certains clients « n’étaient pas forcément d’accord pour bloquer leur véhicule », justifiant ainsi leur décision d’« attendre ». Le confinement du printemps 2020, lié à la pandémie de Covid-19, a également été invoqué comme circonstance ayant freiné la réactivité de l’entreprise.
Défense active et stratégie judiciaire du groupe Leal
Face à l'accusation, Leal Réunion ne reste pas silencieuse. Son directeur général, Philippe-Alexandre Rebboah, a affirmé dans une interview accordée à La 1ère Réunion le 25 juillet 2025 : « Nous avons fourni des pièces, des éléments et des preuves tangibles que nous ne sommes pas restés sans rien faire ». Le dirigeant assure que l’entreprise a sollicité les services de l’État, plaidé pour un meilleur encadrement des immatriculations de véhicules à risque, et recommandé que le contrôle technique bloque la circulation des modèles concernés.
« Cela montre que le système a ses limites. Nous demandons encore à l'État de bloquer le système des immatriculations pour éviter les reventes de modèles concernés », a-t-il ajouté. Malgré ces démarches, une expertise judiciaire révèle que les premières alertes aux automobilistes n’auraient été diffusées qu’à partir de juillet 2020, soit deux mois après l’accident. Ce retard alimente le cœur du dossier d’accusation.
La campagne "Stop Drive" et les chiffres qui inquiètent
Depuis le début de l’année 2025, une vaste campagne de rappel baptisée « Stop Drive » a été lancée à La Réunion. Selon Philippe-Alexandre Rebboah, environ 20 000 véhicules restent encore non identifiés sur l’île, dont 5 000 BMW potentiellement équipées d’airbags Takata défectueux. Ces chiffres illustrent les limites logistiques et administratives de la traçabilité des véhicules anciens, parfois revendus plusieurs fois.
L’avocat de Leal Réunion, Me Guillaume Martine, a demandé le reclassement de l’entreprise sous le statut de témoin assisté, affirmant dans des propos rapportés par Auto-moto, que celle-ci avait « mis en œuvre toutes les diligences possibles pour empêcher que ne surviennent des accidents ». Il a également évoqué le manque d’information et d’implication des autorités à l’époque.