Le 29 juillet 2025, alors que les aéroports européens peinent encore à absorber l’afflux estival, le mot-clé "classement" domine les conversations du secteur aérien. En cause : un baromètre publié par Flightright et repris par Ouest France, croisé avec les dernières données d’Eurocontrol et d’acteurs privés, qui révèle la géographie précise du chaos aérien en Europe. L’étude s’appuie sur les vols opérés entre le 30 juin et le 21 juillet 2025, considérant un retard au-delà de 15 minutes comme significatif. Le résultat ? Un podium inattendu, des stratégies opposées, et une conclusion limpide : le ciel européen est tout sauf uniforme.
Portugal, Grèce, France : en bas du classement des retards
Avec 38,4 % de ses vols arrivant en retard sur un total de 19 498 liaisons, le Portugal décroche la première place des pays les moins ponctuels selon Flightright. La Grèce (35,4 %), la Suisse (35,1 %) et l’Italie (33,5 %) suivent de près. La France, souvent perçue comme modèle d’organisation aérienne, se hisse au cinquième rang avec 32,9 % de vols retardés.
Mais les chiffres masquent parfois des choix calculés. Comme l’explique Imane El Bouanani, responsable juridique France de Flightright :
« La France a annulé massivement pour préserver le trafic. La Finlande a supprimé des vols pour sauver la ponctualité. La Suisse ou l’Espagne ont encaissé la surcharge – parfois de plein fouet. »
Moins de retards, plus d’annulations : les stratégies de contournement
La France a adopté une méthode radicale : annuler des vols pour éviter un effet domino. Lors de la grève des contrôleurs aériens les 3 et 4 juillet, la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) a ordonné la suppression de près de 50 % des vols en région et 40 % à Paris (Roissy, Orly, Beauvais), soit plus de 1 100 vols annulés en deux jours. Résultat : peu de retards enregistrés, mais un bond dans le classement des annulations, où la France figure au deuxième rang avec 3,1 % de vols annulés.
Même logique en Finlande : secouée par des grèves internes chez Finnair début juillet (maintenance, bagagistes, catering), la compagnie a choisi de supprimer près de 900 vols. Mais cette fois, sans directive étatique : la décision fut purement opérationnelle. Le pays affiche ainsi une ponctualité record, avec seulement 20,5 % de vols en retard, soit le meilleur score européen.
Un blocage français, des répercussions continentales
Chaque jour, 33 % des vols européens passent par l’espace aérien français. Lorsque la France se paralyse, c’est toute l’Europe qui vacille. Selon Eurocontrol, la grève de début juillet a généré des perturbations en cascade : x5 d’annulations en France ; x2,7 au Maroc ; x2 en Espagne.
Plus d’un million de passagers touchés, dont 200 000 restés au sol, et plus de 60 000 tonnes de CO₂ émises en deux jours, principalement à cause des avions déroutés ou en attente dans les airs.
Qui sont les bons élèves du classement ?
À l’inverse, certains pays tirent leur épingle du jeu. D’après les données croisées d’Eurocontrol et des analystes sectoriels : Suède : 13,6 % de vols en retard ; Danemark et Estonie : environ 15,1 % ; Finlande : 20,5 %.
Ces pays conjuguent organisation logistique, moindre densité de trafic et conditions météorologiques favorables.
Derrière les retards, des choix stratégiques assumés
L’été 2025 redéfinit les lignes du trafic aérien européen. Si certains pays subissent les événements, d’autres s’organisent et arbitrent. Le classement des retards ne reflète pas uniquement l’efficacité des aéroports ou des compagnies, mais bien les stratégies politiques et industrielles en place. Une certitude émerge : les retards et annulations sont devenus des marqueurs de gouvernance – et un terrain d’analyse pour passagers exigeants, compagnies sur la sellette, et États mis à l’épreuve.