Panne d’électricité en Espagne : la cyberattaque est écartée, l’inquiétude reste

Un continent sous tension, un réseau qui s’effondre, des questions qui s’enchaînent. Derrière la spectaculaire panne d’électricité qui a paralysé l’Espagne le 28 avril 2025, les autorités ont tranché : ce n’était pas un sabotage numérique. Mais alors, qu’est-ce qui a provoqué cette chute brutale de 15 gigawatts en cinq secondes ? Et surtout : cela pourrait-il se produire en France ?

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By Adélaïde Motte Published on 15 mai 2025 15h00
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Panne d’électricité en Espagne : la cyberattaque est écartée, l’inquiétude reste - © Economie Matin

Le 28 avril 2025, à 12h33 précises, la péninsule Ibérique a vacillé. En l’espace de cinq secondes, 15 gigawatts ont disparu du réseau espagnol, plongeant tout un pays dans l’obscurité et la stupeur. Une panne d'une ampleur inédite, une défaillance d’autant plus inquiétante qu’aucune cause immédiate ne semblait évidente. Tandis que l’on craignait une cyberattaque ciblée, le verdict officiel est désormais tombé. Loin des scénarios hollywoodiens, c’est une cascade de facteurs techniques internes qui serait en cause.

Une panne brutale, mais pas malveillante : la cyberattaque officiellement exclue

Dès les premières heures suivant la panne, les soupçons se sont portés sur une possible attaque informatique. Mais les autorités espagnoles ont écarté cette hypothèse. Dans une déclaration datée du 14 mai 2025, Sara Aagesen, secrétaire d'État espagnole à l'Énergie, a affirmé que les premières analyses "ne montrent aucun signe d’une cyberattaque contre le gestionnaire du réseau". Cette position a été confirmée par les rapports conjoints de l’Incibe (Institut national de cybersécurité) et du Centre cryptologique national, qui n’ont détecté aucune intrusion dans les systèmes critiques.

Un communiqué de Red Eléctrica publié le 29 avril 2025 précise que « les analyses internes excluent toute activité malveillante ayant affecté le contrôle du réseau ». Le réseau, s’il a cédé, ne l’a pas fait sous les coups d’un adversaire invisible mais sous la pression de ses propres déséquilibres.

Le facteur clé : un excès d’énergie solaire incontrôlée

C’est là que le bât blesse : la panne aurait été provoquée par une série d’oscillations dans le réseau, elles-mêmes dues à une surchauffe photovoltaïque, selon les premières conclusions techniques. En clair, trop d’énergie solaire injectée, trop vite, sur un système mal préparé à absorber un tel afflux. Eduardo Prieto, directeur de l’exploitation à Red Eléctrica, a évoqué une « panne en chaîne déclenchée par une perte subite de production dans le sud-ouest de la péninsule ».

Un effet domino accentué par un manque d’inertie électrique, c’est-à-dire la capacité du réseau à encaisser les variations brutales. L’analyste Alejandro Labanda, interrogé par RTVE, a pointé l’extrême vulnérabilité d’un système ultra-solaire non épaulé par un stockage suffisant : « La production renouvelable a moins d’inertie, et si un déséquilibre survient, le réseau est moins robuste pour l’absorber ».

Un effondrement en cinq secondes et des conséquences immédiates

Le phénomène a été fulgurant. À 12h33, 60 % de la charge électrique espagnole s’évapore. Plus de 15 gigawatts s’évanouissent dans le néant. Trains à l’arrêt, hôpitaux sur groupes électrogènes, communications interrompues, stations-service inutilisables, data centers en stand-by. À la gare d’Atocha, des centaines de voyageurs passent la nuit à même le sol. Les images de files d’attente, de matelas improvisés et de chaos logistique ont inondé les médias. « Ce que je veux maintenant, c’est juste de l’information », soupirait Sarah, étudiante bloquée à Madrid.

Le gouvernement espagnol estime que les pertes économiques pourraient atteindre 4,5 milliards d’euros, selon des projections relayées par la télévision publique.

Une “île énergétique” à haut risque – et la France ?

Ce type de panne pourrait-il frapper l’Hexagone ? Moins que l’Espagne, mais pas impossible. Si l’Espagne a été qualifiée « d’île énergétique » par le chercheur Gonzalo Escribano (Real Instituto Elcano), en raison de ses faibles interconnexions avec le reste de l’Europe, la France bénéficie d’un réseau bien plus intégré. Toutefois, l’énergéticien Jorge Morales rappelle que « le système est si complexe qu’il peut suffire de quelques millisecondes d’anomalie pour provoquer un effondrement total ».

La France doit néanmoins tirer une leçon de l’incident espagnol : accélérer le développement du stockage d’énergie, renforcer les marges de sécurité et maintenir des capacités thermiques pilotables, capables de compenser les défaillances soudaines du renouvelable.

Il n’y a donc pas eu de guerre cybernétique, pas de sabotage d’État, pas de main noire numérique dans l’effondrement espagnol du 28 avril. Seulement un réseau trop tendu, un soleil trop généreux, et un système électrique qui a réagi trop lentement. Mais les conséquences, elles, ont été bien réelles. Et en France, cette panne doit être perçue comme une répétition générale grandeur nature : les crises de demain n’attendront pas qu’on soit prêts.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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