À Guingamp, une maison de 120 m² pour une veuve de 74 ans. À Quimper, un couple sans enfant dans un pavillon de six pièces. Un quart des ménages français vit aujourd’hui dans un logement trop grand pour lui. Et la plupart s’y sentent très bien.
Crise du logement : un quart des ménages vivent dans des maisons trop grandes

Grandes maisons : des ménages âgés, installés, peu enclins à déménager
En 2022, 7,6 millions de résidences principales en France (hors Mayotte) comportaient au moins trois pièces de plus que le nombre théoriquement nécessaire, selon les critères établis par l’Insee. Cela représente un quart des logements occupés, soit un niveau jamais atteint jusqu’ici.
Dans le détail, 2,1 millions de personnes seules et 3,6 millions de couples sans enfant vivaient dans des logements de cinq pièces ou plus. La plupart de ces habitations sont des maisons individuelles : 93 % des logements largement sous-occupés, selon l’Insee, sont des pavillons. Et dans trois quarts des cas, la surface dépasse 100 m². « Il s’agit le plus souvent de maisons individuelles occupées depuis longtemps par des propriétaires âgés n’ayant plus d’enfants à leur domicile », indique l’Insee dans son étude publiée le 8 juillet 2025.
Ce phénomène touche surtout les Français de plus de 60 ans. 60 % des ménages concernés sont dans cette tranche d’âge. Et plus de la moitié vivent dans leur maison depuis plus de vingt ans.
Avec le départ des enfants, ces habitations sont devenues trop grandes… sur le papier. Car dans les faits, seuls 36 % de ces occupants considèrent avoir trop de pièces. Et à peine 9 % envisagent de déménager. « Une très large majorité d’entre eux sont satisfaits de leurs conditions de logement », précise l’étude. La possibilité d’accueillir des enfants ou petits-enfants de temps en temps, ou tout simplement l’attachement aux lieux, expliquent en partie cette inertie résidentielle.
Le paradoxe français : crise du logement et mètres carrés vides
Ce chiffre interpelle : 25 % des logements sont sous-occupés, alors que la crise du logement s’intensifie. Le paradoxe est d’autant plus frappant que ces grands espaces inutilisés cohabitent avec une pénurie de logements abordables, notamment dans les zones tendues.
Les maisons construites avant 1946 sont particulièrement concernées : 31 % d’entre elles sont aujourd’hui sous-occupées. Cette proportion diminue à 25 % pour les habitations construites entre 1946 et 1990, et à 20 % après 1990.
Dans les zones rurales, la tendance s’amplifie. Dans le Finistère, les Côtes-d’Armor ou la Haute-Saône, la proportion dépasse 36 %. À Guingamp, elle atteint même 35 %, contre 11 % à Paris.
L’idée d’optimiser le parc existant fait son chemin, notamment à travers l’habitat partagé ou les résidences intergénérationnelles. Mais pour l’heure, ces solutions restent marginales. Et le cadre juridique n’incite pas les propriétaires à réduire la taille de leur logement. « Ces formes d’habitat peuvent encourager le départ d’une personne âgée d’un logement sous-occupé », estime l’Insee, tout en précisant qu’elles sont encore peu répandues.
Quant à la perspective d’un logement plus petit, plus fonctionnel, elle séduit très peu. Les raisons sont multiples : manque d’offre équivalente en centre-ville, attachement au cadre de vie, coût d’un déménagement. Résultat : ces maisons restent intouchables, même en période de tension extrême sur le marché immobilier.