Déserts médicaux : Bayrou impose la solidarité, pas l’installation

Ce 25 avril 2025, François Bayrou, Premier ministre, a levé le voile sur un plan ambitieux pour lutter contre les déserts médicaux. Annoncé lors d’un déplacement dans le Cantal, ce projet mêle solidarité forcée et incitations prudentes, dans l’espoir de répondre à l’urgence sanitaire qui gangrène une large partie du territoire. Quels sont les véritables choix faits par le gouvernement français ?

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 25 avril 2025 12h40
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Doctor giving bad news to a patient, the woman is crying with head in hands - © Economie Matin
82%82 % des médecins généralistes ressentent une pression pour prescrire des médicaments

Déserts médicaux : le gouvernement compte sur la solidarité des médecins

Annoncées avec tambours et trompettes, les mesures dévoilées par François Bayrou reposent sur un principe inédit : instaurer une « mission de solidarité territoriale individuelle » pour tous les praticiens. Le dispositif obligera chaque médecin — généraliste comme spécialiste — à assurer jusqu'à deux jours de consultation par mois dans les déserts médicaux, ces territoires où l'offre de soins est exsangue.

« Plutôt que de retenir des solutions reposant sur la contrainte à l’installation des médecins, ce plan introduit notamment, pour la première fois dans notre système de santé, le principe d’une solidarité territoriale », a défendu François Bayrou cité par Le Parisien. En contrepartie, des compensations financières seront proposées. Quant aux médecins récalcitrants, le gouvernement prévient : ils « se verront pénalisés ».

L’objectif affiché est titanesque : générer 30 millions de consultations par an dans les zones sous-dotées, selon Les Échos. Le tout sans toucher à la liberté d’installation, un totem sacré pour la profession.

Déserts médicaux : entre promesses, sanctions et formation, un plan à double tranchant

Le plan gouvernemental ne se limite pas à la seule mobilisation des médecins installés. 3 700 docteurs juniors — étudiants en dernière année de formation — seront également mobilisés pour assurer 15 millions de consultations supplémentaires par an. Un stage obligatoire dans les territoires sous-dotés attendra par ailleurs tous les étudiants en médecine dès la rentrée 2026.

Cette offensive s'accompagne de mesures complémentaires pour fluidifier l'accès aux soins :

  • La facilitation de l'intégration des Padhue (praticiens à diplôme hors Union européenne).
  • La création de filières universitaires de santé dans chaque département pour rapprocher les formations des bassins en difficulté.
  • L'extension des prérogatives des pharmaciens pour renouveler certaines ordonnances expirées.

Une cartographie des zones rouges — celles en situation de pénurie critique — sera réalisée d'ici fin mai 2025 par les Agences Régionales de Santé, sous la houlette des préfets et élus locaux.

Cependant, comme l’indique Ouest-France, les syndicats de médecins dénoncent en coulisses une "réquisition déguisée" qui, bien qu’emballée sous les oripeaux de la solidarité, « impose des contraintes inédites dans l’exercice libéral ».

Déserts médicaux : Bayrou renonce à l'affrontement mais reste sur le fil

Ironie du sort, le gouvernement opère ici un virage stratégique : il renonce explicitement à restreindre la liberté d’installation des médecins, comme l’indiquait pourtant un projet de loi transpartisan voté début avril à l’Assemblée nationale. « L’exécutif veut pousser les médecins à exercer là où ils manquent, sans les contraindre dans leur choix initial d’installation », précisent Les Échos.

Une volte-face que François Bayrou assume, préférant parier sur l’incitation, sous peine de raviver une fronde professionnelle déjà naissante. Car la grogne monte : une grève nationale est annoncée pour la semaine prochaine, portée par les syndicats de médecins et d’internes. Quant au spectre de la réquisition pour les gardes de nuit et de week-end, il reste brandi par l’État en cas de carence.

Entre l’annonce d’un plan ambitieux et la réalité d’une profession sous tension, le gouvernement navigue à vue. Si l’idée de mobiliser tous les médecins pour lutter contre les déserts médicaux paraît louable sur le papier, son application risque fort de se heurter à un principe aussi ancien que fondamental : la liberté professionnelle.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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