Fumeurs taxés, État piégé : l’impasse du tabac en France

À l’aube d’une Nième augmentation du prix de certains paquets de cigarettes, au 1er juin 2025, où en est-on des gains obtenus par l’État ? L’État est-il réellement gagnant de cette industrie du tabac ?

By Alix de Bonnières Published on 15 mai 2025 14h53
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Fumeurs taxés, État piégé : l’impasse du tabac en France - © Economie Matin
13« L’objectif est d’atteindre 13 euros le paquet en 2026. »

Le tabac : une manne financière ou un gouffre pour les finances publiques ?

Si les taxes sur les cigarettes génèrent des recettes importantes pour l’État français — 13,2 milliards d’euros en 2024 selon Le Figaro — ces revenus sont loin de couvrir les coûts sanitaires et sociaux du tabac. Le tabagisme actif et passif engendre des dépenses de santé évaluées à près de 26 milliards d’euros par an, d’après une estimation de la Cour des comptes et de Santé publique France en 2023. Ce déséquilibre abyssal entre recettes et coûts démontre que l’État ne sort pas gagnant, du moins financièrement, de l'industrie du tabac.

Mais alors, pourquoi maintenir un tel système ? Tout simplement parce que le tabac reste une source de revenus « facile » à collecter, avec un effet dissuasif espéré sur la consommation. Le hic ? C’est que la consommation baisse, les ventes s’effondrent et le marché parallèle explose. Selon une enquête Kantar citée par Franceinfo, quatre cigarettes sur dix consommées en France proviennent désormais de circuits illégaux ou d’achats à l’étranger.

Dans ce contexte, l’argument de santé publique se heurte aux réalités du terrain : hausse des prix, baisse des ventes officielles, perte de recettes, explosion des réseaux illicites. On marche sur un fil.

L’impasse d’un système contradictoire

Le paradoxe est total : l’État taxe un produit qu’il dit vouloir faire disparaître. Pire : il dépend, en partie, des revenus générés par ce même produit. Chaque hausse de prix est donc un pari. Pari que les fumeurs vont continuer à acheter légalement leurs cigarettes, malgré un coût toujours plus élevé. Pari que les circuits alternatifs — Andorre, Espagne, Luxembourg ou trafic de rue — ne siphonneront pas toute la clientèle. Pari, enfin, que cette politique conduira à une baisse du tabagisme, et non à une explosion des inégalités de santé.

Le gouvernement, par la voix du ministre de la Santé, a réaffirmé sa stratégie dans une déclaration du 14 janvier 2025 : « L’objectif est d’atteindre 13 euros le paquet en 2026, dans une logique de dissuasion » (Douane.gouv.fr, 2025). Mais sans une action coordonnée sur le marché noir et les dispositifs d’accompagnement à l’arrêt du tabac, cette stratégie pourrait rapidement se retourner contre son initiateur.

Des conséquences sanitaires dramatiques

Chaque année, le tabac tue 75 000 personnes en France, selon Santé publique France (2024). Ces décès sont évitables. Ils entraînent des coûts humains, sociaux, économiques. Derrière les statistiques, ce sont des vies fauchées, des familles endeuillées, des hôpitaux surchargés, des cancers évitables.

Le coût pour l’Assurance maladie est colossal. Selon une étude de l’INSERM de 2023, les maladies attribuables au tabagisme coûtent à elles seules près de 20 % du budget de l’Assurance maladie dédié aux soins des pathologies chroniques.

1 comment on «Fumeurs taxés, État piégé : l’impasse du tabac en France»

  • jeloag

    Quelle hypocrisie de notre gouvernement !
    Sous couvert de vouloir éradiquer la consommation il matraque le produit de taxes, traquant au passages ceux qui n’utilisent pas le circuit habituel alors que beaucoup d’autres pays s’en sortent mieux.
    A quand la même démarche pour l’alcool ?

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