L’annonce est tombée discrètement, presque à voix basse. Mais ses conséquences résonnent fort dans un secteur déjà très fortement secoué. Deux enseignes familières du paysage français viennent de solliciter le tribunal pour tenter d’éviter la faillite.
Prêt-à-porter : l’enseigne de lingerie Princesse Tam Tam placée en redressement judiciaire
Camaïeu, Kaporal, San Marina… La liste s’allonge. Et cette fois, ce sont Princesse Tam Tam et Comptoir des cotonniers qui entrent dans la zone rouge.
Princesse Tam Tam : un plan de réduction drastique depuis 2023
Le groupe Fast Retailing France, filiale hexagonale du conglomérat japonais propriétaire d’Uniqlo, a confirmé, par l’intermédiaire d’une source relayée par l’AFP le 23 juin 2025, avoir demandé le placement en redressement judiciaire de ses deux enseignes françaises, Princesse Tam Tam et Comptoir des cotonniers. L’information, d’abord révélée par le média spécialisé Fashion Network, a été motivée par « la poursuite de la détérioration financière dans un contexte de marché qui ne s’est pas amélioré ».
Ces deux marques, nées dans les années 1980 pour l’une et 1990 pour l’autre, avaient pourtant connu leur heure de gloire. Mais les restructurations répétées, les fermetures en cascade et une consommation en berne ont fini par précipiter leur chute. Au total, une centaine de boutiques subsistent aujourd’hui en France, pour environ 500 salariés selon la même source à l’AFP.
Cette décision judiciaire intervient un an après une première alerte. En juin 2023, Fast Retailing France annonçait la fermeture de 55 magasins sur les 136 encore ouverts, avec 304 suppressions de postes à la clé. Ce plan visait à « adapter Fast Retailing France aux évolutions du marché de l’habillement », tout en essayant de freiner une descente devenue difficile à enrayer.
D’après les données fournies à l’AFP, cela représentait :
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28 points de vente fermés sur 67 pour Comptoir des cotonniers, soit une contraction de plus de 40 % ;
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27 boutiques fermées sur 69 pour Princesse Tam Tam, également touchée de plein fouet ;
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119 postes supprimés au siège du groupe en France.
L’objectif affiché était clair : « endiguer les graves difficultés rencontrées » et « assurer la pérennité » de ces marques.
Un secteur de plus en plus asphyxié
Les difficultés de Princesse Tam Tam s’inscrivent dans une spirale sectorielle bien connue. Depuis 2020, le marché du prêt-à-porter de milieu de gamme a vu se multiplier les fermetures, redressements ou liquidations judiciaires. Les causes sont identifiées : crise sanitaire, inflation, explosion des loyers commerciaux, hausse des salaires, prix de l’énergie en hausse… et surtout, la percée de deux modèles concurrents.
D’un côté, l’ultra fast-fashion, représentée par des géants comme Shein et Temu, dont les prix cassés séduisent une clientèle volatile. En 2024, Shein représentait 3 % des dépenses d’habillement en France, selon Médiamétrie. De l’autre, la seconde main, incarnée par des plateformes comme Vinted, devenu le premier vendeur de vêtements en France, avec une hausse des ventes de 32 % entre 2022 et 2023, d’après l’application Joko.
Face à cette pression, même un actionnaire solide comme Fast Retailing, dont le chiffre d’affaires mondial a dépassé 18 milliards d’euros en 2024 pour 3 milliards d’euros de résultat opérationnel, n’a pas suffi à contenir l’érosion.
Princesse Tam Tam, rachetée par Fast Retailing en 2005, a déjà subi quatre restructurations depuis 2018. En 2022, 40 % de ses magasins ont fermé, selon une source citée par l’AFP. Il en reste aujourd’hui 50. Du côté de Comptoir des cotonniers, la chute est vertigineuse : de 200 magasins en 2015, l’enseigne n’en comptait plus que 40 en 2023.
À chaque étape, les mêmes remèdes ont été tentés : baisses de prix, réductions de surface, plans sociaux, repositionnement. En vain. Comme l’a rappelé Fast Retailing en 2023 : « La situation est aujourd’hui telle qu’elle ne permet plus à Fast Retailing France de continuer sans risquer de compromettre son avenir et celui de ses marques. D’autant qu’aucune perspective de réelle reprise n’est envisagée. »
Ce placement en redressement judiciaire s’inscrit dans une série noire : Camaïeu, Kookaï, IKKS, Naf Naf, San Marina, Burton of London… En moins de trois ans, le secteur a vu défiler les procédures collectives comme un mauvais remake. Les vitrines ferment, les plans sociaux s’enchaînent. Le prêt-à-porter français encaisse coup sur coup.