Le débat sur la fin de vie, sujet sensible et crucial, a franchi une étape majeure le 27 mai 2025 à l’Assemblée nationale. Après plusieurs semaines de discussions intenses, les députés ont adopté deux textes fondamentaux : la création d’un droit à l’aide à mourir et le renforcement des soins palliatifs. Ces lois posent un cadre inédit pour accompagner les malades en fin de vie.
Fin de vie en France : l’adoption historique des textes

Le vote a pur surprendre une partie de la classe politique, fermement opposée à laisser les personnes décider de leur fin de vie pour des raisons essentiellement religieuses. Mais malgré la tentative de faire barrage, les députés semblent avoir décidé d’aller dans le sens de l’Histoire.
Un droit à l’aide à mourir encadré : la France adopte le texte
La proposition de loi instaurant un droit à l’aide à mourir a été approuvée par 305 voix contre 199, avec 57 abstentions, détaille France Bleu. Malgré une opposition marquée à droite et dans certains groupes du centre et de la gauche, ce vote traduit un large soutien, notamment chez les députés de gauche et du centre. La ministre Yaël Braun-Pivet saluait « la hauteur des enjeux » au début des débats, rappelant la qualité des échanges malgré la sensibilité du sujet, relate FranceInfo.
Ce droit vise les malades majeurs, français ou résidents réguliers, confrontés à une affection grave et incurable « en phase avancée ou terminale », qui provoque « une souffrance physique ou psychologique constante réfractaire aux traitements ». Le texte précise qu’« une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir ».
L’auto-administration du produit létal est la règle, sauf impossibilité physique où un médecin ou infirmier peut intervenir. La procédure exige une demande formelle, une décision collégiale du médecin, d’un spécialiste et d’un soignant, suivie d’un délai de réflexion d’au moins deux jours avant confirmation. Le produit létal ne peut être administré dans un lieu public, afin de prévenir « toute dérive ».
Un délit d’entrave est instauré est instauré, reprenant le modèle de celui concernant l’interruption volontaire de grossesse, avec des sanctions allant jusqu’à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende pour ceux qui empêcheraient l’accès ou l’information sur l’aide à mourir. La loi protège aussi les professionnels de santé par une clause de conscience : ceux qui refusent d’y participer doivent orienter les patients vers des confrères volontaires.
Le président Emmanuel Macron, dans la soirée, a salué cette avancée comme « une étape importante », soulignant « le chemin de fraternité » qui s’ouvre, malgré les sensibilités et doutes persistants.
Soins palliatifs : un socle législatif adopté à l’unanimité
À l’opposé du texte sur l’aide à mourir, la loi relative aux soins palliatifs a été votée à l’unanimité par 560 députés, avec seulement six abstentions. Ce consensus rare témoigne d’une reconnaissance générale de la nécessité d’améliorer l’accès aux soins palliatifs, encore trop limité sur le territoire. Aujourd’hui, « seule la moitié des personnes susceptibles de bénéficier d’une prise en charge palliative y a effectivement accès, et dix-neuf départements ne disposent toujours pas d’unités spécifiques ».
Le texte instaure un droit opposable aux soins palliatifs, la création de « maisons d’accompagnement et de soins palliatifs », ainsi qu’une programmation pluriannuelle pour définir la trajectoire de développement de l’offre avant fin 2025, puis tous les cinq ans. Le gouvernement a annoncé une enveloppe de 1,1 milliard d’euros sur dix ans pour cette stratégie décennale, un engagement essentiel pour lutter contre « l’austérité » dénoncée par certains élus.
Un débat parlementaire dense et contrasté
Les débats ont duré près de 100 heures et donné lieu à plus de 2 000 amendements. La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a souligné « la qualité » des échanges, dépassant les craintes d’un affrontement violent attendu.
Pourtant, sur l’aide à mourir, la division reste profonde. Le socialiste Stéphane Delautrette, co-rapporteur de la loi, a insisté : « Il n’est pas question d’inciter qui que ce soit, d’obliger les soignants, de donner un permis de tuer ». À l’opposé, Philippe Juvin, député LR, a dénoncé ce qu’il appelle « une mort programmée » et une « porte ouverte aux dérives », alertant sur les risques pour les personnes vulnérables, notamment les isolées ou précaires : « Quand on est pauvres et seuls, la liberté de choix est faussée », a-t-il déclaré selon Ouest-France. Mais peut-être que ce qu’il faudrait améliorer, alors, c’est bien la question de la pauvreté et non celle du droit à mourir.
Parmi les garanties ajoutées par les députés figure la définition précise de la « phase avancée » de la maladie, calquée sur celle de la Haute Autorité de santé : « l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie ». La décision médicale se veut collégiale, et la procédure encadrée avec rigueur.
La suite au Sénat : le texte va-t-il survivre à la chambre haute ?
La loi doit maintenant être examinée par le Sénat, où la majorité de droite et des élus bien plus âgés, parfois avec des visions archaïques et déconnectées de la société, promet des débats plus âpres. Emmanuel Macron a mis en garde contre tout enlisement, rappelant que « la loi Veil a été votée en trois mois, on ne serait pas capable de voter celle sur l’aide à mourir en deux ans ? ».