Gratuite pour le client, mais ruineuse pour les banques. C’est le paradoxe de l’euro numérique. Une étude du cabinet PwC en dresse la note : jusqu’à 30 milliards d’euros. Une facture très très salée pour les banques européennes.
Euro numérique : un chantier à plusieurs milliards pour les banques européennes, qui va payer ?
Un projet ambitieux. Une échéance fixée. Et des chiffres qui donnent le vertige. À quelques mois de la décision finale de la Banque centrale européenne, un rapport confidentiel fait trembler les établissements financiers du continent.
Euro numérique : un chantier à la facture explosive
Selon l’étude menée par PwC pour trois fédérations bancaires européennes, les coûts de transition liés à l’euro numérique pourraient atteindre 30 milliards d’euros pour les banques de la zone euro. À elle seule, l’adaptation technique représente 75 % des dépenses : développement d’applications, infrastructures, interfaces sécurisées.
Cette étude a été réalisée auprès de 19 banques. Le coût moyen par établissement atteint 110 millions d’euros, pour une addition globale de 2 milliards sur l’échantillon analysé. Extrapolée à l’échelle de l’Union monétaire, la facture grimpe à 18 milliards d’euros, voire 30 milliards si l’euro numérique inclut des fonctions avancées comme le paiement hors ligne, les comptes multiples ou l’intégration avec les opérateurs de paiement.
La transformation ne concerne pas uniquement les systèmes. Elle mobilise aussi les femmes et les hommes derrière les écrans. D’après le rapport de PwC, « près de 46 % des ressources ayant les compétences requises seraient immobilisées chaque année », ce qui « limiterait considérablement la capacité d’innovation des banques ». Ce constat, cité dans l’étude, inquiète tout un secteur déjà sous tension sur le plan technologique.
Outre les dépenses techniques, 16 % des coûts estimés concernent les modifications commerciales (contrats clients, communication, marketing) et 9 % relèvent du fonctionnement opérationnel, comme les obligations de reporting réglementaire.
Une échéance cruciale pour la Banque centrale européenne
Depuis octobre 2023, la Banque centrale européenne (BCE) teste en conditions réelles ce projet de monnaie numérique. Après deux ans d’expérimentation, la décision finale est attendue en octobre 2025. Objectif affiché : lancer une monnaie publique numérique d’ici à 2027, capable de compléter les moyens de paiement privés existants, tout en garantissant « un mode de paiement économique, sûr et fiable », selon un communiqué officiel.
Mais les enjeux dépassent le simple volet technologique. Le projet se veut aussi réponse stratégique à la concurrence monétaire mondiale. La Commission européenne insiste sur l’intérêt d’un euro numérique face aux initiatives américaines en matière de stablecoins. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier 2025, et son soutien affiché aux monnaies stables, la pression s’est accrue sur les institutions européennes. L’Union craint une déstabilisation monétaire si elle ne propose pas d’alternative crédible à ces instruments numériques privés promus par les États-Unis.
Derrière les rideaux feutrés des conseils d’administration, le ton monte. La mise en place de l’euro numérique, présentée comme un bien public, ne serait pas sans conséquences pour les acteurs privés. Le secteur bancaire redoute une érosion de ses revenus et une mise en concurrence indirecte avec une forme de monnaie numérique contrôlée par la BCE.
Un sondage publié par BFMTV en mars 2025 révélait d’ailleurs que près de six Européens sur dix se disaient « improbables ou très improbables » à utiliser cette monnaie. Peur de la surveillance ? Sentiment d’un système déjà suffisant ? En tout cas, le scepticisme reste présent.