Santé : un expert « antivax » nommé en haut lieu par l’administration Trump

Le ministère américain de la santé a récemment procédé à une restructuration intégrale de son comité de recommandation vaccinale. Une décision rare, prise dans un contexte de défiance croissante vis-à-vis des politiques de santé publique, et qui pourrait bien remodeler l’approche des États-Unis en matière de santé.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 13 juin 2025 14h26
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8Le 12 juin, 8 nouveaux membres ont été officiellement désignés.

Le 9 juin 2025, Robert F. Kennedy Jr., ministre américain de la santé, a annoncé la dissolution immédiate du Comité consultatif sur les pratiques de vaccination (ACIP), organe stratégique des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). Trois jours plus tard, un nouveau panel d’experts a été désigné pour en assurer la relève. Cette décision s’inscrit dans une volonté déclarée de renforcer la confiance du public dans les recommandations vaccinales. Elle intervient à un moment où les États-Unis font face à une hausse significative des cas de rougeole et à des tensions persistantes autour des politiques de santé post-pandémie.

Une décision inhabituelle au sommet de la santé publique

Robert F. Kennedy Jr. a justifié cette décision par la nécessité de restaurer l’indépendance scientifique et l’intégrité des recommandations sanitaires. Selon un communiqué officiel du Department of Health and Human Services publié le 9 juin, la priorité est désormais « de restaurer la confiance du public avant toute affiliation à un agenda pro ou anti-vaccin ». Le ministre souligne que l’ancienne composition du comité, établie majoritairement sous l’administration Biden, ne permettait pas d’envisager une réforme sérieuse de la politique vaccinale avant 2028. Il affirme vouloir garantir une évaluation plus rigoureuse, fondée sur des données scientifiques impartiales, des produits de santé actuellement proposés.

Un nouveau groupe d’experts, aux profils divers et parfois controversés

Le 12 juin, huit nouveaux membres ont été officiellement désignés. Il s’agit de Joseph R. Hibbeln, Martin Kulldorff, Retsef Levi, Robert W. Malone, Cody Meissner, James Pagano, Vicky Pebsworth et Michael A. Ross. Si tous ont une formation scientifique ou médicale reconnue, plusieurs sont connus pour leurs prises de position critiques vis-à-vis des campagnes vaccinales récentes.

Robert Malone, chercheur en biochimie, a exprimé à plusieurs reprises des réserves sur les vaccins à ARN messager. Martin Kulldorff, ancien enseignant à Harvard, s’est opposé à certaines politiques de confinement durant la pandémie et est l’un des auteurs de la Déclaration de Great Barrington. Retsef Levi, professeur au MIT, a remis en question l’évaluation des risques liés à la vaccination de masse. Cody Meissner, spécialiste des maladies infectieuses pédiatriques, a été membre du comité précédent mais s’est déclaré en désaccord avec certaines mesures d’obligation vaccinale. Les autres membres, bien qu’ayant une visibilité publique plus discrète, possèdent une expérience établie dans les domaines de la santé publique, de la recherche clinique ou de l’évaluation biomédicale.

Un rôle central dans l’architecture sanitaire fédérale

Le comité ACIP formule les recommandations officielles concernant les vaccins administrés aux États-Unis. Son rôle dépasse le cadre technique : il influence les décisions de financement des assurances, la politique d’approvisionnement en vaccins, les pratiques médicales des soignants et les orientations sanitaires nationales. Sa crédibilité repose sur l’analyse indépendante des données cliniques, des effets secondaires, de l’impact épidémiologique et des stratégies de prévention.

La décision intervient alors que les CDC ont recensé plus de 1 100 cas de rougeole depuis le début de l’année. Cette recrudescence épidémique accentue la pression sur le nouveau comité, dont la première session de travail est prévue du 25 au 27 juin 2025 au siège des CDC à Atlanta.

Réactions institutionnelles et débat public

Plusieurs organisations professionnelles et figures politiques ont réagi à cette réforme. L’American Medical Association a demandé au Sénat de se pencher sur les modalités de révocation des anciens membres. Dans une tribune publiée le 10 juin par le New York Times, le sénateur Bernie Sanders a dénoncé une « guerre contre la science », tandis que Chuck Schumer a évoqué une mesure « imprudente et radicale ».

De son côté, le ministère affirme que les nouveaux experts s’engagent à évaluer les données scientifiques de manière indépendante. Selon les termes du communiqué officiel du HHS, le comité « ne fonctionnera plus comme un simple tampon pour des agendas industriels centrés sur le profit ».

Une orientation encore incertaine

L’impact de cette réorganisation reste à évaluer. Si certains y voient un moyen de corriger des biais structurels ou de diversifier l’approche scientifique en santé publique, d’autres s’inquiètent de l’introduction de points de vue perçus comme marginaux ou politiquement motivés. L’avenir du comité dépendra de sa capacité à produire des recommandations rigoureuses, scientifiquement fondées, et perçues comme légitimes par l’ensemble des parties prenantes du système de santé.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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