L’Europe face au risque de déflation

La Banque centrale européenne (BCE) a confirmé, le 5 juin, une nouvelle baisse de son taux de dépôt, dans un climat où l’inflation dans la zone euro est descendue à 1,9 %. Si cet indicateur paraît rassurant, il pourrait également être inquiétant. L’ombre de la déflation plane désormais sur l’économie française. Derrière les statistiques qui évoquent un retour à la stabilité monétaire se cache un risque autrement plus pernicieux, une stagnation des prix, des salaires, et des perspectives de croissance.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 6 juin 2025 17h00
L’Europe face au risque de déflation
L’Europe face au risque de déflation - © Economie Matin

Un repli de l'inflation qui vire à l'alerte déflation

La zone euro célèbre ce qui ressemble à une victoire monétaire, une inflation ramenée en mai à 1,9 %. Un seuil emblématique, celui que vise précisément la BCE. Sous l'apparente réussite de la lutte contre l'inflation se profile une nouvelle menace, la baisse des prix. L'Europe pourrait bien s'engager sur la même trajectoire que le Japon.. En France, la chute est encore plus prononcée. L'indice des prix s’est replié à 0,7 %, du jamais-vu depuis quatre ans. Et c’est un gouffre en comparaison des 1,4 % projetés par Bercy.

Quant à la Suisse, elle a déjà basculé dans le rouge : -0,1 % d’inflation, autrement dit une inflation négative. Si les chiffres réjouissent à première vue les défenseurs du pouvoir d’achat, ils révèlent en réalité une pathologie économique, celle d'une demande agonisante. Une dynamique que les économistes redoutent, car une inflation trop faible reflète une consommation léthargique, une stagnation des investissements, et à terme un ralentissement généralisé de l’activité.

Le spectre japonais, piège économique à répétition

L’Europe s’approche-t-elle d’un scénario à la japonaise ? L’Archipel nippon a connu, dès les années 1990, une longue période de croissance molle, de taux d’intérêt quasi nuls et de prix stagnants, malgré les injections massives de liquidités. L’Europe, tout comme le Japon, ne peut s’appuyer ni sur sa démographie ni sur ses gains de productivité pour échapper à une impasse économique marquée par une faible croissance et une contraction des prix.

Le problème ne se limite pas aux chiffres. La spirale déflationniste transforme les comportements économiques. Les consommateurs, anticipant des baisses futures de prix, retardent leurs achats. Ce comportement réduit encore la demande, ce qui accentue la chute des prix. Et l’économie entre alors dans un cercle vicieux d’attentisme, où chaque agent économique freine, espère mieux demain, et tire l’économie vers le bas. À cela s’ajoutent les risques commerciaux mondiaux. La Chine, confrontée aux droits de douane imposés par les États-Unis, pourrait chercher à écouler ses surplus industriels sur les marchés européens à bas prix, accentuant encore les pressions déflationnistes sur le Vieux Continent.

BCE : assouplir ou démissionner ?

Face à cette menace, la Banque centrale européenne a réagi en abaissant ses taux. Bien que la BCE ait réduit ses taux ce jeudi, le danger reste élevé. La Chine pourrait chercher à écouler massivement ses produits à bas coût sur le marché européen. Si le ralentissement persiste, la BCE devra poursuivre sa politique de relâchement monétaire.

Mais la stratégie est risquée. Des taux excessivement bas réduisent les marges de manœuvre futures et alimentent les bulles spéculatives. Dans une conjoncture où la visibilité économique est réduite, l’arme monétaire pourrait bien se révéler émoussée. Les effets des baisses de taux sur la consommation réelle sont de plus en plus faibles, voire contre-productifs, dans une Europe vieillissante et suréquipée en liquidités.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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