Travailler moins, mais pas tout à fait partir : une promesse séduisante en apparence, mais que cache réellement cette retraite à mi-temps qu’on nous vend comme un nouvel élan pour les seniors ?
Nouvelle retraite progressive : comment en profiter (ou s’en méfier) dès 60 ans
Le 7 mai 2025, le gouvernement a présenté en Conseil des ministres un projet de loi censé redéfinir la place des seniors dans l’emploi. Au cœur de cette réforme : la retraite progressive, dont l’accès sera abaissé à 60 ans dès le 1er septembre 2025, selon les termes de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé en novembre 2024. Le texte, en discussion au Sénat à partir du 5 juin, s’inscrit dans une volonté affichée d’accompagner en douceur les carrières longues. Mais derrière les annonces, quelles sont les véritables implications pour les travailleurs concernés ? Et surtout, seront-ils vraiment gagnants ?
Retraite progressive : un outil de transition ou un artifice comptable ?
Le principe de la retraite progressive, en vigueur depuis 1988 mais encore méconnu, est pourtant simple. Il permet à un salarié de réduire son activité à 40 à 80 % d’un temps plein, tout en touchant une fraction de sa pension de retraite. Par exemple, un salarié à 60 % percevra 40 % de sa pension. L’objectif ? Lisser la baisse de revenus liée à la réduction du temps de travail, et préparer psychologiquement le départ définitif de l’emploi.
Pourtant, malgré cet affichage séduisant, la mesure reste marginale. Selon la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, dont les propose ont été repris par Ouest-France, « seulement 0,5 % des salariés qui partent à la retraite dans l’année sont en retraite progressive. Nous sommes très loin des exemples de la Suède ou du Danemark ». Cette déclaration met en lumière un paradoxe : un outil utile, mais ignoré par la majorité. Le projet de loi ambitionne donc de redorer son image et de l’élargir à tous les actifs.
Qui pourra accéder à la retraite progressive dès septembre 2025 ?
Dès le 1er septembre 2025, toute personne âgée de 60 ans ayant validé 150 trimestres pourra demander une retraite progressive. Jusqu’ici réservé à certaines professions, le dispositif est désormais étendu à l’ensemble des actifs : fonctionnaires, indépendants, professions libérales, salariés du privé comme du public, selon les informations de Ma Nouvelle Vie – Groupama.
Le temps de travail devra être compris entre 40 % et 80 % pour les salariés, 50 % à 90 % pour les fonctionnaires. Les indépendants, eux, devront réduire leur revenu de 20 à 60 %. Le texte prévoit aussi que les salariés déjà à temps partiel puissent intégrer le dispositif, un progrès notable.
Autre nouveauté d’importance : les employeurs ne pourront plus refuser un aménagement du temps de travail sans le motiver par écrit. Une avancée saluée par les syndicats, notamment la CFDT qui, dans un communiqué du 25 avril 2025, qualifie cette mesure de « nouveau droit pour les salariés et les agents publics ».
Retraite progressive : un pari économique gagnant pour les retraités ?
Côté avantages, la liste est longue. Les bénéficiaires continuent à cotiser et accumulent donc des droits supplémentaires, ce qui permet un recalcul à la hausse de leur pension définitive. Ils conservent en outre leur statut de salarié à part entière : formations, comité d’entreprise, mutuelle, titres-restaurant, participation, tout reste accessible, explique Groupama.fr.
Mais il y a un revers. La fraction de retraite versée ne compense pas toujours la perte de revenu. Et à temps partiel, on cotise moins : à la retraite, la pension peut donc être plus faible qu’espérée. Il faut aussi obtenir l’accord de l’employeur et, chaque année, fournir des justificatifs à sa caisse de retraite. La simplicité administrative n’est pas encore au rendez-vous.
Le gouvernement mise aussi sur un effet d’entraînement pour l’emploi des seniors. En complément, le projet introduit le CDI senior, rebaptisé « contrat de valorisation de l’expérience ». Ce contrat à durée indéterminée mais résiliable dès que le salarié atteint le taux plein vise à favoriser l’embauche après 60 ans. Un vœu pieux ? Difficile à dire, car le taux d’emploi des 60-64 ans plafonnait à 38,9 % en France en 2023, contre 50,9 % dans l’Union européenne, selon les données de France 3 Régions.