BlackRock a enclenché, le 17 juillet, une manœuvre stratégique majeure à travers sa filiale Global Infrastructure Partners (GIP), en annonçant son intention d’acquérir 49,99 % d’Eni CCUS Holding, la branche de captage, stockage et valorisation du carbone (CCUS) du groupe italien Eni. Le montant évoqué, environ un milliard d’euros, ne constitue pas uniquement une valorisation financière, il traduit un basculement dans l’approche des infrastructures bas-carbone en Europe.
BlackRock investit un milliard d’euros dans la branche carbone d’Eni

BlackRock et la financiarisation du carbone : un signal fort au marché
Un milliard d’euros pour 49,99 % d’une filiale spécialisée dans le captage de CO₂. Ce chiffre, révélé pour la première fois cette semaine par Oilprice.com, détone dans un secteur longtemps traité avec condescendance. Selon les termes du site spécialisé : « Global Infrastructure Partners de BlackRock se prépare à acquérir 49,99 % de la branche de captage carbone d’Eni pour une valorisation d’environ 1 milliard d’euros (1,2 milliard de dollars), selon des sources proches des négociations. »
Face aux critiques qui jugent le CCUS économiquement immature, ce deal vient poser un jalon. Il ne s’agit plus d’un secteur à subventions ou d’une vitrine verte pour multinationales en quête de bonne conscience, mais d’un actif désirable, évaluable, bankable. BlackRock, dont les actifs sous gestion dépassent désormais les dix mille milliards de dollars, joue ici un rôle de repère, voire de baromètre. Si l’américain mise gros, c’est que les courbes de rentabilité commencent sérieusement à s’infléchir.
BlackRock choisit l’Europe et Eni pour régner sur la décarbonation
Ce qui frappe dans cette opération, c’est le contexte géopolitique. Alors que les signaux réglementaires sont brouillés aux États-Unis, retour de Trump, instabilité sur la tarification carbone, l’Europe, elle, muscle ses ambitions climatiques. Et BlackRock l’a compris. GIP, sa branche infrastructure, a donc jeté son dévolu sur le Vieux Continent et choisi un acteur stratégique : Eni. Claudio Descalzi, PDG d’Eni, applique une stratégie claire. Il veut externaliser les segments bas-carbone dans des entités autonomes, attirer du capital externe tout en gardant la main sur la direction. Le modèle est appelé "satellite". L’opération CCUS ne fait pas exception.
Comme l’écrit OilPrice.com, « L’accord s’inscrit parfaitement dans le modèle “satellite” du PDG Claudio Descalzi : filialiser les entités bas-carbone, attirer des capitaux de poids, et réduire l’exposition financière tout en conservant le contrôle stratégique. ». Ce choix n’est pas anodin. Eni avait d’autres options : Snam, Macquarie, PTTEP. Pourtant, l’entreprise a opté pour un gestionnaire d’infrastructures à long terme, plutôt qu’un co-investisseur pétrolier classique. En privilégiant GIP, elle cherche clairement à capitaliser sur une expertise financière capable de porter des projets à maturité sur le très long terme.
Eni, des projets à grande échelle qui structurent le marché européen du carbone
Eni CCUS Holding n’est pas une coquille vide. Elle détient des participations dans trois projets européens structurants : HyNet North West (Royaume-Uni), Bacton Thames NetZero (Royaume-Uni), L10CCS (Pays-Bas). Le potentiel cumulé de ces projets, 25 millions de tonnes de CO₂ stockées par an d’ici 2030. Une option est également posée sur Ravenna, hub italien emblématique, avec une capacité potentielle additionnelle de 4 millions de tonnes.
Le projet HyNet, à lui seul, est une pierre angulaire de la stratégie de décarbonation britannique, inscrit dans le plan à 21,7 milliards de livres du gouvernement. Ce que souligne OilPrice.com, c’est que « Ces projets sont de plus en plus considérés comme des infrastructures nécessaires — et non comme des technologies spéculatives. » Le captage de CO₂ cesse d’être une lubie technologique pour devenir une composante incontournable de l’aménagement énergétique européen.
BlackRock redessine les contours de l’investissement climatique
Ce rachat partiel est plus qu’un rachat. Il sert de référence. Si la transaction se concrétise à la valorisation annoncée, il s’agira de la plus importante prise de participation privée jamais réalisée dans une entité dédiée exclusivement au CCUS en Europe. OilPrice.com précise : « Si la valorisation d’un milliard d’euros se confirme, elle représentera l’une des plus importantes prises de participation en capital-investissement jamais attribuées à une entreprise indépendante spécialisée dans le captage et le stockage du carbone en Europe. Et elle pourrait bien servir de référence de valorisation pour une vague mondiale de transactions à venir. »
Ce chiffre va désormais servir d’étalon dans les négociations futures. Il va fixer un benchmark, imposer un prix au carbone capté, au moins sur le segment privé. BlackRock, par ce geste, balise donc les marchés, incite ses concurrents à s’aligner, ou à rester spectateurs.