Comptes rebonds : une fraude bancaire massive dans le collimateur des autorités

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a publié, le 17 juillet, un rapport révélant une flambée sans précédent de l’arnaque des comptes rebonds en France. Ces dispositifs frauduleux, pourtant méconnus du grand public, permettent à des malfaiteurs de faire transiter des fonds illicites à travers une cascade de comptes bancaires anonymes, avant qu’ils ne disparaissent dans les méandres du système financier international.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 18 juillet 2025 16h00
Comptes rebonds : une fraude bancaire massive dans le collimateur des autorités
Comptes rebonds : une fraude bancaire massive dans le collimateur des autorités - © Economie Matin

Selon ce rapport, 661 millions d’euros ont été blanchis en 2023 à travers ces circuits opaques. L’ACPR souligne que 90 % des opérations frauduleuses identifiées passent par des établissements bancaires 100 % numériques, où l’ouverture de comptes est d’une facilité désarmante. Et ce chiffre, déjà préoccupant, ne représenterait qu’une fraction du phénomène réel, selon plusieurs analystes internes. « L’arnaque des comptes rebonds est devenue une autoroute pour le blanchiment de fonds d’origine criminelle », alerte l’organisme de supervision bancaire dans son rapport sur la prévention du blanchiment et du financement du terrorisme, daté du 17 juillet 2025.

Des comptes fantômes pour effacer les traces

Le principe est simple, mais redoutablement efficace. Un faux conseiller financier convainc une victime de transférer, disons, 10 000 euros. Ce montant est alors réceptionné sur un compte relais, souvent ouvert avec une identité usurpée, puis redirigé en quelques minutes vers une série de comptes secondaires. Chaque rebond brouille les pistes, et l’argent finit par se volatiliser à l’étranger, souvent au Luxembourg, en Lituanie ou en Allemagne, d’après les données de l’ACPR. Le stratagème repose sur la vitesse de circulation des fonds, accélérée par les virements instantanés, et sur la fermeture éclair des comptes dès qu’un risque de détection apparaît.

Dans 70 % des cas, les comptes utilisés sont désactivés en moins de douze mois, emportant avec eux toute possibilité de restitution. L’enquête de l’ACPR documente également l’usage de “mules bancaires”, parfois recrutées à leur insu via des annonces fictives, et de logiciels de falsification biométrique, capables de duper les contrôles automatisés d’ouverture de compte en ligne. Certaines néobanques accepteraient même des pièces d’identité pour moins de 12 euros, quand les banques classiques investissent davantage dans la vérification des clients.

Le cas Kiabi : un détournement interne à 100 millions d’euros

Parmi les exemples les plus édifiants, celui de Kiabi illustre la capacité destructrice de cette arnaque. Entre juillet 2023 et juillet 2024, la trésorière du groupe a détourné 100 millions d’euros en maquillant ses manipulations derrière des mouvements internes ordinaires.

Selon l’article publié de Clubic, la fraude s’est étalée sur douze mois de transactions dissimulées dans le flux quotidien de l’entreprise, via des comptes rebonds fictifs ouverts dans une banque européenne. L’ancienne cadre a été mise en examen pour escroquerie et blanchiment, mais l’affaire souligne surtout la fragilité structurelle même des entreprises face à des fraudes invisibles, issues de l’intérieur.

Banques numériques et régulation : l’ACPR serre la vis

Face à une menace systémique, l’ACPR renforce la pression sur les établissements bancaires, en particulier ceux opérant exclusivement en ligne. L’autorité appelle à :

  • un renforcement des vérifications d’identité pour chaque nouveau client, en particulier à distance ;
  • une limitation stricte des montants que peuvent transférer les nouveaux comptes ;
  • une surveillance accrue des opérations atypiques, comme celles d’un étudiant qui recevrait soudainement 50 000 euros ou d’un retraité vidant son compte vers l’étranger.

Ce durcissement intervient dans un contexte où la dématérialisation du secteur bancaire, si pratique pour les consommateurs, devient un véritable eldorado pour les fraudeurs numériques.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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