France Travail : que deviennent les chômeurs radiés ?

Radiés, invisibles, précaires. À France Travail, les chiffres sont implacables, mais que révèlent-ils vraiment ? Que deviennent ces milliers d’exclus du système chaque mois ?

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By Amandine Leclerc Last modified on 18 juillet 2025 16h55
France Travail
France Travail : que deviennent les chômeurs radiés ? - © Economie Matin
61 %61 % des radiés sont des hommes.

Le 10 juillet 2025, la Dares a publié une étude sur les trajectoires des personnes exclues des listes de France Travail entre 2023 et 2024. Une date-clé, révélatrice d’une mécanique bien huilée où radiation rime souvent avec précarité. Dans un contexte où les règles d’indemnisation se durcissent, la question est posée : quel avenir pour les chômeurs radiés ?

Une sanction systémique, souvent administrative

Chaque mois, près de 55 000 personnes sont radiées des listes de France Travail, selon les données officielles relayées par la Dares. Contrairement aux idées reçues, ces sorties ne signifient pas retour à l’emploi, mais sanction. Trois motifs dominent : absence à convocation (62 %), recherche d’emploi insuffisante (35 %), ou fraude (3 %).

La radiation entraîne souvent une suspension partielle ou totale des allocations chômage. Un couperet brutal, d’autant plus que, depuis le 1er juin 2025, le nouveau barème de sanctions appliqué à France Travail est encore plus strict.

Radiés, précaires… mais pas inactifs

Les chiffres tracent un tableau sans équivoque. Un mois après leur radiation, seuls 31 % des chômeurs sont en emploi salarié, contre 48 % pour l’ensemble des sortants de France Travail. Et parmi ces 31 %, 36 % seulement décrochent un CDI, contre 48 % des autres ex-demandeurs d’emploi.

L’exclusion entraîne souvent un recours au revenu de solidarité active (RSA) : 28 % des radiés en bénéficient dans les trois mois, contre 14 % des autres. Autrement dit, pour beaucoup, la radiation n’est pas la fin d’une allocation, mais la bascule vers une autre – souvent moins avantageuse.

Un profil type ? Jeune, seul, peu diplômé

Le portrait dressé par la Dares est net. 61 % des radiés sont des hommes, souvent jeunes (28 % ont moins de 25 ans), faiblement diplômés (5 % à bac+3 ou plus). Ils vivent souvent seuls (58 %), et sont surreprésentés dans les quartiers prioritaires (18 % contre 13 % des non-radiés).

Autre point saillant : 30 % des radiés entre 2023 et 2024 avaient déjà été exclus entre 2021 et 2022. La répétition des radiations devient structurelle pour une partie des demandeurs d’emploi.

L’exception qui confirme la règle : les fraudeurs en tête des embauches

Un paradoxe saisissant émerge de l’analyse. Les radiés pour fraude sont ceux qui s’en sortent le mieux : 70 % d’entre eux retrouvent un emploi salarié un mois après leur radiation, contre 30 % pour les absents à convocation, et 27 % pour ceux accusés de recherche insuffisante.

Pourquoi ? La réponse est désarmante : ces individus travaillaient déjà de manière non déclarée. Leur radiation officialise en quelque sorte une situation déjà en cours. Résultat : leur accès à l’emploi, déjà effectif, se maintient après sanction.

Le poids croissant des contestations

En 2024, 58 418 demandes de médiation ont été enregistrées par France Travail, contre 52 464 en 2023, selon Vie Publique. Ces recours traduisent une montée de l’incompréhension face à des règles jugées floues, en constante évolution, et parfois incohérentes.

La radiation ne signifie pas toujours rupture avec l'emploi, mais elle fragilise durablement des trajectoires déjà instables. Entre RSA, emploi précaire et réinscription récurrente, les ex-radiés peinent à sortir d’un cycle d’exclusion. Le cas des fraudeurs, eux, révèle l’absurdité d’un système qui punit ceux qui cherchent, mais épargne parfois ceux qui contournent. En toile de fond, c’est l’efficacité même de la stratégie de contrôle de France Travail qui interroge.

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