Plus de cinq ans de décalage en un demi-siècle. En France, l’âge du premier enfant n’a cessé de reculer, révélant une mutation sociale lente mais irréversible. Mais pourquoi ?
Démographie : la maternité recule, l’âge du premier enfant atteint 29 ans

Le 16 juillet 2025, l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) a publié une nouvelle série de données sur la natalité. Parmi les chiffres, un indicateur frappe immédiatement : les femmes françaises donnent naissance à leur premier enfant à 29,1 ans en moyenne. Ce chiffre, en progression constante depuis 1974, est la conséquence d’une série de transformations économiques, culturelles et sociales qui redéfinissent les fondements de la démographie contemporaine.
Le premier enfant à 29 ans : un recul historique de l’âge de la maternité
En 1974, les Françaises devenaient mères pour la première fois à 24 ans. Cinquante ans plus tard, ce seuil a été repoussé à 29,1 ans, soit 5,1 années de plus selon l’Insee. Ce déplacement progressif ne résulte d’aucune rupture brutale, mais d’une série d’ajustements silencieux. « L’âge conjoncturel moyen des mères à la naissance de leur premier enfant atteint 29,1 ans en 2023, soit 0,9 an de plus qu’en 2013, 5,1 ans de plus qu’en 1974 et 4,9 ans de plus qu’en 1967 », précise l’Insee.
Cette tendance n’a connu aucun fléchissement depuis cinquante ans. En 2013, l’âge moyen était de 28,2 ans. En 1967, il ne dépassait pas 24,2 ans. La lente ascension confirme un choix collectif, ancré dans les mutations profondes de la société française.
Etudes, emploi, logement, pauvreté… la société n’incite plus à la maternité
Pourquoi les femmes deviennent-elles mères plus tard ? Les causes sont multiples. L’entrée prolongée dans la vie active, les études supérieures plus longues, la précarisation de l’emploi, le coût du logement, la diffusion des méthodes contraceptives et l’évolution des normes sociales jouent tous un rôle structurant. « Le contexte socio-économique, politique ou environnemental a pu conduire à reporter des décisions de fécondité », analyse sobrement l’Insee dans sa note de conjoncture 2025.
Cet allongement du temps avant lequel une femme se sent prête à avoir un enfant est aussi une conséquence indirecte de l’émancipation féminine. Le travail des femmes s’est généralisé, les carrières se sont allongées, et la maternité n’est plus une injonction sociale précoce. L’enfant devient un projet mûri, intégré dans un équilibre personnel, professionnel et économique.
Et le deuxième enfant ? Lui aussi naît de plus en plus tard
La tendance ne concerne pas uniquement le premier enfant. L’Insee révèle également que l’âge moyen à la naissance du deuxième enfant est désormais de 31,6 ans. En 1967, il était de 26,8 ans.
Autre indicateur important : l’intervalle moyen entre deux naissances est passé à 4,2 ans en 2023, contre 4,1 ans en 2013. Ce léger allongement confirme une gestion plus étalée de la parentalité.
La temporalité des naissances s’inscrit donc dans une logique de différé et d’espacement, révélant des arbitrages conscients face aux contraintes de la vie contemporaine.
Une tendance globale en Europe
La France ne fait pas exception à l’échelle européenne. Dans l’Union européenne, l’âge moyen du premier enfant atteint 29,8 ans. Mais des disparités subsistent.
- Les pays baltes, ainsi que certains pays d’Europe de l’Est, conservent un âge moyen plus précoce : entre 26,9 et 28,9 ans.
- À l’inverse, dans des pays comme l’Italie, l’âge atteint 31,8 ans, record continental.
Ces écarts témoignent de modèles familiaux et politiques distincts. En France, les politiques de soutien à la natalité (congés parentaux, prestations familiales, système de crèches) restent parmi les plus développées d’Europe. Pourtant, elles ne parviennent plus à enrayer la dynamique de report. Et la tendance étant à l’austérité, ce n’est pas pour tout de suite que ça changera.
Moins d’enfants et plus tard : le défi démographique de la France
Ce recul de la maternité pose une double problématique démographique. D’une part, plus les femmes ont leur premier enfant tardivement, moins elles auront de temps pour en avoir un second ou un troisième. D’autre part, cela contribue mécaniquement à la baisse de l’indice synthétique de fécondité, passé sous le seuil de remplacement (2,1 enfants par femme) depuis plusieurs années. Résultat : le vieillissement de la population s’accélère. Le déséquilibre entre générations se creuse, fragilisant les politiques publiques : retraites, éducation, logement, santé.
À 29,1 ans, l’âge moyen du premier enfant devient un indicateur-clé de la mutation démographique française. Ce chiffre cristallise un nouveau modèle de vie, dans lequel la parentalité s’inscrit tardivement, avec moins de certitudes et plus de contraintes.