Budget européen 2028-2034 : l’Allemagne rejette la proposition de Bruxelles

La Commission européenne a dévoilé, le 16 juillet, son projet de budget pour la période 2028 à 2034. Cette proposition a aussitôt provoqué de nombreuses réactions et divisé les pays membres.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 17 juillet 2025 17h30
Budget européen 2028-2034 : l’Allemagne rejette la proposition de Bruxelles
Budget européen 2028-2034 : l’Allemagne rejette la proposition de Bruxelles - © Economie Matin
2 000 milliards €Le nouveau budget européen, estimé à 2 000 milliards d’euros, marque une hausse sans précédent dans l’histoire financière de l’Union.

Le budget européen proposé par la Commission s’élève à 2 000 milliards d’euros, soit une progression historique. Ursula von der Leyen l’a qualifié de « budget le plus ambitieux jamais proposé » en annonçant l’ouverture de deux années de tractations complexes. Les priorités sont nettes : compétitivité, défense, innovation. L’institution prévoit 451 milliards d’euros pour relancer l’économie européenne, avec un accent mis sur la souveraineté industrielle, l'autonomie stratégique et la sécurité. Mais les promesses d’une architecture budgétaire plus robuste et plus réactive n’ont pas suffi à calmer les inquiétudes. À peine la proposition déposée, Berlin a dégainé son véto moral. Le rejet fut immédiat.

Un budget de rupture

Le plan financier comprend trois volets distincts. Le premier, un “méga‑fonds” intégré, absorbe les dépenses traditionnelles (PAC, cohésion, développement rural), renforcé par un pilier compétitivité destiné à positionner l’Union face à la Chine et aux États-Unis. Sur ce pilier, 131 milliards d’euros seront consacrés à la défense, intégrés dans l’enveloppe générale. Un deuxième levier majeur, le soutien à l’Ukraine. « Il s’agit d’un engagement à long terme », a affirmé le commissaire européen au budget, Piotr Serafin, précisant que 100 milliards d’euros seront alloués à la reconstruction de Kiev. Une annonce qui a fait bondir Viktor Orban, le Premier ministre hongrois : « L’Ukraine bénéficierait d’une aide financière massive, tandis que les agriculteurs européens seraient perdants », a-t-il dénoncé dans des propos rapportés par le site Sud Ouest.

Côté agriculture, la refonte de la PAC est source de crispations. Le budget passe de 387 à 300 milliards d’euros, officiellement à cause d’une nouvelle architecture et d’un transfert partiel vers les politiques de cohésion. Une justification insuffisante pour le Copa-Cogeca, principal lobby agricole, qui parle d’un « mercredi noir pour l’agriculture ». Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a déclaré à Bruxelles : « Cette proposition est une provocation (…) personne n’a intérêt à défier les agriculteurs européens. Si ce message n’a pas été entendu, nous reviendrons. »

Berlin appuie sur le frein

Mercredi soir, à peine quelques heures après l’annonce, le gouvernement allemand a opposé une fin de non-recevoir. « Une augmentation substantielle du budget de l’UE est inacceptable à l’heure où tous les États membres font des efforts considérables pour consolider leurs budgets nationaux », a déclaré Stefan Kornelius, son porte-parole et dans des propos partagés par le site Toute L'Europe. Il a ajouté : « Nous ne soutiendrons pas non plus la taxation supplémentaire des entreprises proposée par la Commission. »

Les Pays-Bas ont emboîté le pas, dénonçant un projet « trop élevé ». Berlin et La Haye réactivent ainsi le front des « frugaux », opposés à toute inflation budgétaire et défenseurs d’une rigueur comptable stricte. La France, elle, a salué un plan « ambitieux », par la voix de Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe. Un accueil bien plus favorable, facilité sans doute par une réduction prévue de la contribution française à 5,7 milliards d’euros en 2026 contre 7,3 précédemment.

Une Union à bout de souffle budgétaire ?

Le débat est lancé. Le précédent budget (2021–2027) avait déjà mobilisé 1 200 milliards d’euros, auquel s’ajoutait un plan de relance de 800 milliards pendant la pandémie. Cette fois encore, les arbitrages seront douloureux. Les États, déjà financièrement exsangues, refusent de creuser davantage leur contribution nationale. La France, qui a annoncé vouloir verser moins à partir de 2026, n’est pas seule. Face à cela, la Commission tente de faire levier via de nouvelles ressources propres : taxation du tabac, impôt sur les grandes entreprises, et prélèvement sur les déchets électroniques non recyclés.

Mais dans les coulisses, certains parlementaires européens, comme Siegfried Muresan (PPE) ou Carla Tavares (S&D), jugent ce projet bien trop timide. Selon eux, l’inflation et le remboursement de l’emprunt européen contracté pendant la crise Covid biaisent les chiffres et masquent une stagnation réelle. D’autres craignent que la transition écologique soit sacrifiée. Les crédits en faveur de l’environnement pourraient se retrouver comprimés sous la pression des exigences fiscales et des remous politiques.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

No comment on «Budget européen 2028-2034 : l’Allemagne rejette la proposition de Bruxelles»

Leave a comment

* Required fields