Le 16 juillet prochain, la Commission européenne présentera officiellement une réforme majeure de la fiscalité applicable aux produits du tabac, qui pourrait bouleverser les équilibres budgétaires des États membres et alourdir considérablement la facture pour les consommateurs. L’objectif affiché : financer directement le budget de l’Union européenne en ponctionnant une partie des accises sur les cigarettes, le tabac chauffé, les produits nicotiniques et les e‑cigarettes.
Tabac : Bruxelles veut augmenter les taxes et garder l’argent

L’information a été révélée par Il Sole 24 Ore le 11 juillet 2025, dans un article signé Marco Mobili : « pour la première fois, une partie des revenus des taxes sur les cigarettes ne termineront pas dans les caisses des Etats-membres mais directement dans les comptes de l’Union européenne ». Une décision qualifiée de « sans précédent », qui sera discutée dans le cadre des « ressources propres » de l’UE — c’est-à-dire les ressources financières que Bruxelles collecte elle-même.
Ce que prévoit la réforme sur la taxation du tabac
Les documents préparatoires internes, confirmés par plusieurs médias dont Sigma Magazine et Tobacco Reporter, prévoient des hausses très importantes des accises sur l’ensemble des produits liés au tabac :
- Cigarettes : de 90 € à 215 €/1 000 unités → +139 %
- Tabac à rouler : de 60 € à 215 €/kg → +258 %
- Cigares et cigarillos : de 12 € à 143 €/1 000 unités → +1 090 %
- Tabac chauffé : 108 €/1 000 unités ou 155 €/kg
- E‑liquides nicotinés : entre 0,12 et 0,36 €/ml selon la concentration
- Sachets de nicotine : 143 €/kg
Pour les consommateurs, cela se traduirait par une hausse moyenne de plus de 20 % des prix, soit plus d’un euro supplémentaire par paquet. Selon les projections internes de la Commission, ces augmentations pourraient pousser l’inflation d’environ 0,5 point de pourcentage, alourdissant davantage le coût de la vie.
Tabac : Bruxelles veut sa part du gateau
Aujourd’hui, les accises sur les produits du tabac constituent une recette essentielle pour les États. En France, elles ont rapporté 14,1 milliards d’euros en 2023, soit l’équivalent du budget annuel du ministère de la Justice. Ces recettes ont historiquement été affectées aux politiques de santé publique ou utilisées pour soutenir les finances générales.
Avec cette réforme, une partie de ces recettes — jusqu’à 15 milliards d’euros à l’échelle de l’UE, selon les estimations prudentes de Bruxelles — serait redirigée vers le budget communautaire, privant les États de leur pleine maîtrise fiscale. Des pays comme la Suède, qui prélève près de 1,3 milliard d’euros annuellement via la taxation du tabac, ont réagi vivement. La ministre suédoise des Finances, Elisabeth Svantesson, a déclaré : « C’est complètement inacceptable », selon le Financial Times.
Les conséquences pour les fumeurs : forte hausse du paquet en vue
Le doublement, voire le triplement, des accises aura un impact direct sur les consommateurs :
- Pouvoir d’achat : un paquet à 10 € aujourd’hui pourrait dépasser 12 € dans certains États.
- Inégalités sociales : le tabac reste davantage consommé dans les classes populaires. Cette fiscalité est donc socialement régressive, frappant plus durement les revenus modestes.
- Risque de marché noir : une forte augmentation des prix pourrait stimuler la contrebande, comme l’a déjà constaté l’Espagne après la précédente hausse de 2013.
Cependant, certains experts de santé publique saluent la mesure : une hausse de prix est souvent corrélée à une baisse de la consommation, notamment chez les jeunes.
Sous couvert de consolidation budgétaire européenne, Bruxelles ouvre un front explosif : fiscaliser le tabac pour financer directement le budget communautaire. Si les objectifs de santé publique et de stabilité financière sont justifiables, la méthode, la rapidité de la procédure et l’impact sur les budgets nationaux soulèvent de vives inquiétudes. Pour les fumeurs, l’avenir s’annonce plus coûteux. Pour les États, c’est un précédent redoutable.