Service militaire et 400 milliards pour le réarmement : Berlin change de stratégie

Friedrich Merz, fraîchement élu à la Chancellerie, ne veut pas perdre de temps. Après sa victoire aux élections législatives du 23 février 2025, le leader conservateur de la CDU/CSU entend rebattre les cartes de la politique de défense allemande. Investissements massifs, retour du service militaire, autonomie stratégique : Berlin se prépare à un avenir incertain.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 5 mars 2025 7h30
Croissance Allemagne Second Trimestre 2
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579L'Allemagne dispose de 579 bunkers.

L’Allemagne change de cap : plusieurs centaines de milliards d’euros pour la défense et l’économie

Le 4 mars 2025, les partis conservateur et social-démocrate allemands ont annoncé la création de deux fonds exceptionnels d’investissement, l’un pour la défense, l’autre pour la relance des infrastructures. L’enveloppe globale ? Plusieurs centaines de milliards d’euros, un effort budgétaire sans précédent depuis la fin de la Guerre froide.

Le projet prévoit notamment un budget supérieur aux 100 milliards d’euros déjà alloués en 2022 au renforcement de la Bundeswehr, l’armée fédérale. Selon les évaluations économiques internes, l’effort militaire pourrait atteindre 400 milliards d’euros, tandis que les infrastructures bénéficieront de 500 milliards d’euros supplémentaires. Objectif : moderniser les équipements militaires, développer l’industrie de l’armement et restaurer des infrastructures vieillissantes.

Ces mesures impliquent un passage en force au Bundestag pour contourner les règles constitutionnelles sur le déficit public. Friedrich Merz, futur chancelier, mise sur une coalition majoritaire pour imposer cette refonte budgétaire d’ici fin mars.

Secteur Montant estimé (en milliards d’euros)
Armée (Bundeswehr) 400
Infrastructures 500
Fonds militaire de 2022 (comparaison) 100

Le retour du service militaire : une obligation pour hommes et femmes ?

Si la question militaire n’était pas déjà suffisamment explosive, un autre débat vient secouer l’Allemagne : celui du retour du service militaire obligatoire, suspendu depuis 2011. Friedrich Merz et son camp insistent sur la nécessité de se préparer au "pire scénario", évoquant un possible désengagement américain et une montée des tensions avec la Russie.

Florian Hahn, député de la CSU, a précisé au journal Bild que les premiers conscrits pourraient être appelés dès 2025. Mais cette fois, il ne s’agira plus seulement d’une conscription masculine. Les femmes pourraient être également concernées, une première dans l’histoire allemande.

Le projet s’inspire du modèle suédois : un recensement obligatoire des jeunes adultes serait mis en place, avec un engagement militaire ou civil au choix. Mais plusieurs obstacles demeurent : la Bundeswehr souffre déjà d’un manque criant de moyens et les infrastructures d’accueil pour de nouvelles recrues sont limitées.

Les chiffres-clés :

  • Effectifs actuels de la Bundeswehr : 181 174 soldats
  • Effectifs en 1990 (réunification) : 500 000 soldats
  • Objectif affiché : une augmentation « significative », sans chiffre précis

Vers une crise politique en Allemagne ?

Si Friedrich Merz et son équipe avancent en terrain conquis sur ces réformes, l’opposition se structure. L’AfD (extrême droite) et Die Linke (extrême gauche) rejettent catégoriquement ces dépenses militaires. Pour ces partis, l’augmentation du budget de la Bundeswehr ne se justifie pas dans un contexte où les priorités économiques et sociales devraient primer.

Par ailleurs, même dans les rangs du SPD, l’allié de la CDU dans ce projet, certaines voix s’élèvent contre un retour précipité de la conscription. Les débats s’annoncent donc houleux au Bundestag, alors que le futur gouvernement tente d’obtenir une majorité suffisante pour faire passer ses réformes d’ici fin mars.

Vers une Allemagne puissance militaire ?

L’Allemagne est-elle en train d’abandonner sa prudence légendaire en matière militaire ? Depuis des décennies, Berlin a adopté un profil bas, limitant ses interventions extérieures et évitant les grandes ambitions stratégiques. Ce temps semble révolu.

Les annonces de Friedrich Merz traduisent une volonté de rupture avec l’ère Merkel, où les restrictions budgétaires et la dépendance à l’OTAN dominaient la politique de défense allemande. Mais ces décisions posent de nombreuses questions : l’Allemagne a-t-elle réellement les moyens financiers et politiques de redevenir une puissance militaire de premier plan ?

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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