Entre flux d’argent et règles électorales, le financement politique du RN continue de susciter l’attention des juges. Un parti majeur se retrouve à nouveau dans la lumière judiciaire.
RN : enquête judiciaire sur 2,3 millions d’euros de prêts de particuliers

Le 15 mai 2025, une information judiciaire vise officiellement le Rassemblement national (RN). Ouverte le 2 juillet 2024 par le parquet de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Paris, l’enquête porte sur plusieurs soupçons liés au financement de la formation politique. Des infractions graves sont évoquées, notamment le prêt illicite à un candidat en campagne électorale, son acceptation par ce dernier, le détournement de biens publics, une escroquerie au préjudice d’une personne publique, ainsi que des faits de faux et usage de faux.
Le RN dans le viseur judiciaire pour des prêts suspects : la mécanique financière au cœur de l’enquête
Au cœur du dossier figure un signalement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), transmis dès 2023 au parquet. Ce signalement, révélé début mai par le magazine Challenges, alerte sur une série de prêts consentis par vingt-trois particuliers au RN entre 2020 et 2023, pour un montant total supérieur à 2,3 millions d’euros. L’enquête se concentre sur la fréquence de ces prêts, considérée comme excessive au regard des règles encadrant les financements électoraux.
La législation en vigueur interdit aux particuliers d’accorder des prêts à un parti politique de manière habituelle. Ces prêts doivent respecter un certain plafond, être remboursés dans un délai de cinq ans, et ne peuvent, en aucun cas, être assimilés à des dons déguisés. Dans ses observations officielles sur l’exercice 2023, la CNCCFP souligne que le remboursement des emprunts contractés par le RN auprès de personnes physiques fait l’objet d’un suivi particulièrement attentif depuis plusieurs années.
Financements alternatifs et vigilance des autorités : l’équilibre instable du modèle RN
Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large, marqué par les difficultés rencontrées par le RN pour accéder aux prêts bancaires classiques. Faute d’alternatives, le parti s’est appuyé sur un réseau de sympathisants particuliers pour financer ses campagnes électorales. Si cette stratégie n’est pas illégale en soi, elle devient problématique dès lors que les prêts sont accordés de manière répétée, et remboursés avec retard.
C’est précisément ce que relèvent les commissaires aux comptes de la CNCCFP : les modalités de remboursement apparaissent insuffisamment encadrées, au point de justifier une enquête approfondie. Le parquet de Paris a d’ailleurs confirmé que d’autres signalements, indépendants de celui de la CNCCFP, ont été versés au dossier. L’information judiciaire, désormais formellement ouverte, couvre donc une période étendue et implique des éléments financiers et administratifs complexes.
Conséquences judiciaires potentielles et contexte politique
Les chefs d’accusation évoqués par les autorités judiciaires traduisent une préoccupation sérieuse quant au respect de la législation par le RN. En cas de confirmation des infractions, les sanctions pourraient inclure des pénalités financières, voire des peines d’inéligibilité pour les responsables concernés. Cette procédure s’ajoute à d’autres affaires déjà instruites contre le RN, notamment celle des assistants parlementaires européens, qui a abouti à la condamnation de Marine Le Pen le 31 mars 2025 à quatre ans de prison, dont deux ferme, assortis de 100 000 euros d’amende et de cinq ans d’inéligibilité.
En toile de fond, cette nouvelle enquête ravive les débats sur la transparence du financement politique en France. Elle met également en lumière les tensions structurelles entre les contraintes légales et les modes de financement alternatifs mis en œuvre par certaines formations. Alors que le RN se prépare à de futures échéances électorales, la pression judiciaire risque de compliquer encore davantage sa stratégie de campagne.