Sous la pression d’une réforme ambitieuse, le pilotage des contrôles de chômeurs change de cap. France Travail va serrer la vis et augmenter le nombre de contrôles. Mais à quoi doivent s’attendre réellement les demandeurs d’emploi en France ?
Radiation, contrôle, sanctions : ce qui attend les chômeurs en 2025

Depuis le 24 avril 2025, France Travail a levé le voile sur les données tant attendues concernant le contrôle des demandeurs d’emploi. L'organisme, héritier de Pôle emploi, entend marquer une rupture : d’ici 2027, le volume des contrôles devrait tripler. En toile de fond, une réforme profondément liée au plein emploi, un nouveau type de sanction, et l’objectif affiché d’une efficacité accrue.
France Travail : les chiffres d’un contrôle en pleine accélération
En 2024, France Travail a effectué 616 367 contrôles de demandeurs d’emploi, soit une hausse de 16,7 % par rapport à l’année précédente, selon les données officielles. La pression est d’autant plus forte que l'organisme vise un total de 1,5 million de contrôles annuels d’ici 2027.
Le résultat de cette intensification est sans appel : 17 % des contrôlés ont été sanctionnés, conduisant majoritairement à une radiation. Ce chiffre représente environ 103 765 radiations en 2024. Mais, au-delà des statistiques, c’est une véritable transformation de la philosophie du contrôle qui est amorcée.
Jean-Pierre Tabeur, directeur du programme Parcours personnalisés de France Travail, affirme que « la loi prévoit trois issues au contrôle : respect du contrat d'engagement, accompagnement renforcé, ou sanctions », relaye La Tribune. Une déclaration qui souligne la mutation profonde du dispositif.
Nouvelles règles de radiation : quand France Travail rebat les cartes
Exit la radiation automatique en cas d’absence à un rendez-vous. À partir du 1er juin 2025, un simple manquement à une convocation ne suffira plus pour rayer un demandeur d’emploi des listes. La réforme impose désormais aux conseillers spécialisés d’évaluer « l’intensité de la recherche d’emploi » avant toute décision.
Cette nouvelle philosophie se traduit par la mise en place de la suspension-remobilisation, une mesure innovante. Jean-Pierre Tabeur explique : « Le nouveau dispositif de sanction prévu au 1er juin installe une sanction dite suspension-remobilisation, qui sera en volume la plus utilisée, qui a pour avantage de ne plus rompre la relation d’accompagnement ».
Concrètement, l’allocation pourra être suspendue temporairement, mais sera rétablie si le demandeur démontre une reprise active de ses démarches. Cette approche, testée dans huit régions depuis juillet 2024, a permis de réduire de 21 % le délai de traitement des dossiers, sans accroître le taux de sanction. Toutefois, certaines zones d’ombre subsistent : le décret du 1er juin doit encore préciser les modalités exactes de la suspension-remobilisation. Lors d'une conférence de presse, Jean-Pierre Tabeur a reconnu que « les conseillers en charge du contrôle de la suspension remobilisation examineront un faisceau d'indices, à confronter au contrat d'engagement initial », détaille La Tribune.
Des conséquences lourdes pour les demandeurs d’emploi ?
Si France Travail se félicite d’une approche plus « juste » du contrôle, plusieurs organisations syndicales dénoncent déjà une complexification du système et un risque de pression accrue sur les demandeurs d’emploi les plus vulnérables.
La CGT redoute une explosion des tensions et souligne que l’arrivée massive des bénéficiaires du RSA – 1,2 million intégrés de force au dispositif – risque de saturer les capacités d’accompagnement. Le syndicat pointe aussi la surcharge attendue pour les agents, malgré le plan de recrutement de 600 contrôleurs supplémentaires annoncé.
France Travail, de son côté, tente de rassurer : aucun recours massif à l’intelligence artificielle ne sera utilisé pour automatiser les radiations, comme le précise l’organisme dans son dernier rapport. Seules certaines vérifications ponctuelles, comme le rejet d'une offre d'emploi raisonnable, seront laissées aux outils numériques. Le directeur général de France Travail, Thibaut Guilluy, avait d’ailleurs lancé lors d’une audition sénatoriale : « Vous parlez au conditionnel parce que vous n'avez pas les chiffres, et moi non plus ! »
En apparence, France Travail s’efforce de rendre son dispositif de contrôle plus humain, plus adaptatif. Mais derrière les promesses d’accompagnement renforcé se profile une autre réalité : celle d’une surveillance démultipliée, d’objectifs chiffrés exigeants et d’une pression administrative qui pèsera lourdement sur les épaules des demandeurs d’emploi. La réforme, qui entrera pleinement en vigueur dès le 1er juin 2025, constituera, pour beaucoup, un virage décisif dans leur parcours professionnel... ou leur combat quotidien contre la précarité.