Une annonce coordonnée par plusieurs États producteurs remet sur le devant de la scène les tensions autour de la régulation du marché du pétrole. Derrière cette décision, des enjeux économiques et politiques enchevêtrés.
Pétrole : pourquoi l’OPEP+ provoque une nouvelle onde de choc

Le 31 mai 2025, huit membres influents de l’OPEP+ ont annoncé une augmentation significative de leur production de pétrole dès le mois de juillet. Une décision qui intervient après deux mois de relâchement progressif, et qui bouleverse les équilibres établis par les accords précédents. Cette annonce, survenue en plein contexte géopolitique tendu, soulève de nombreuses questions sur les motivations réelles des acteurs pétroliers et les conséquences pour les marchés.
L’OPEP+ relance les vannes du pétrole : un virage stratégique assumé
L’OPEP+, cette alliance élargie de pays exportateurs de pétrole incluant notamment la Russie et les treize membres traditionnels de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), avait jusque-là instauré des plafonds stricts de production pour soutenir les cours. Créée en 1960 et étendue en 2016 avec des partenaires extérieurs, l’OPEP agit en cartel pour ajuster les volumes mis sur le marché. Mais cette mécanique bien huilée vient d’être brusquement réajustée.
Arabie saoudite, Russie, Irak, Émirats arabes unis, Koweït, Kazakhstan, Algérie et Oman : tous ont déclaré une hausse coordonnée de leur production à hauteur de 411 000 barils par jour pour juillet 2025, prolongeant une tendance entamée en avril. Cette décision triplant les volumes initialement prévus a été officialisée dans un communiqué commun relayé par plusieurs agences, dont l’AFP et Bloomberg.
Quels objectifs cachés derrière cette « augmentation temporaire » de production de pétrole ?
Officiellement, les huit pays invoquent une amélioration des perspectives économiques mondiales, des stocks mondiaux en baisse et une capacité accrue à absorber l’offre. Autrement dit : tout va bien, on peut produire plus.
Mais derrière cette façade technique se dessine une réalité bien plus politisée. L’analyste Jorge Leon (Rystad Energy) a résumé la séquence ainsi : « L’OPEP+ a frappé trois fois : mai était un avertissement, juin une confirmation et juillet un coup de semonce. ». En clair, les hausses sont tout sauf anodines. Elles seraient dictées, selon plusieurs experts, par des considérations diplomatiques, notamment une pression américaine directe pour faire baisser les prix de l’énergie, dans un contexte électoral où le carburant devient un enjeu de politique intérieure.
L’impulsion viendrait tout droit de Washington. Le président Donald Trump, récemment revenu à la Maison-Blanche, aurait sollicité Riyad pour accroître l’offre afin de soulager les consommateurs américains à la pompe.
Une décision qui fissure la doctrine de l’OPEP et bouscule les équilibres
Cette initiative unilatérale vient heurter de plein fouet les principes de solidarité internes à l’OPEP. Historiquement, l’organisation cherche à maintenir les prix à un niveau stable et profitable pour ses membres, quitte à sacrifier des volumes à court terme. Les pays concernés, qui avaient eux-mêmes consenti à des réductions volontaires de 2,2 millions de barils par jour, rompent ainsi avec leur propre discipline.
Les autres membres de l’OPEP, notamment l’Iran, le Venezuela et le Nigeria, voient d’un œil préoccupé cette offensive qui pourrait aggraver les déséquilibres et faire chuter les revenus pétroliers. Car la stratégie a un prix : le baril a glissé sous la barre des 60 dollars en mai, atteignant son plus bas niveau en quatre ans, avant de se stabiliser autour de 63 dollars fin mai.
Cette décision est aussi une réponse déguisée à certains partenaires jugés déloyaux. En ciblant indirectement les pays qui dépassent régulièrement leurs quotas, comme le Kazakhstan, les meneurs de l’OPEP+ cherchent à reprendre la main sur le respect des règles internes, quitte à pénaliser l’ensemble du cartel.
Le marché du pétrole sous tension avant une nouvelle réunion cruciale en juillet
Cette montée en cadence n’est qu’un acte d’une pièce encore en cours d’écriture. Les pays de l’OPEP+ se réuniront à nouveau le 6 juillet 2025 pour discuter de la production d’août. À cette occasion, ils devront arbitrer entre des intérêts divergents : stabiliser les prix pour préserver les recettes, ou continuer à satisfaire les injonctions politiques venues de l’Occident.