Alors que l’OTAN vient de fixer une cible budgétaire inédite pour ses membres, l’Espagne persiste à s’y opposer, invoquant des raisons économiques et politiques internes. Et surtout, le pays estime que cette décision est totalement « contre-productive »
OTAN : 5% du PIB pour la défense, mais sans Madrid
Le 22 juin 2025, à Bruxelles, les trente-deux États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ont validé un accord préparatoire historique à l’approche du sommet de La Haye, prévu les 24 et 25 juin. Ce document, confirmé par des diplomates européens, engage l’Alliance à augmenter drastiquement ses dépenses militaires, avec un objectif collectif de 5 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici à 2035, relaye Swissinfo.
L’OTAN adopte une nouvelle norme budgétaire de 5 % du PIB
Concrètement, cette norme budgétaire se compose de 3,5 % consacrés aux dépenses militaires directes (équipements, effectifs, opérations) et de 1,5 % affectés aux investissements en cybersécurité, mobilité, infrastructures critiques et résilience civile, selon Reuters.
Cette orientation marque un tournant stratégique : jusqu’alors, l’objectif commun fixé par l’OTAN était de 2 % du PIB, un seuil que seuls onze pays atteignaient en 2024 . La Pologne et les Pays-Bas figurent parmi les rares à se rapprocher de la nouvelle norme, avec des budgets avoisinant déjà les 4 %.
L’Espagne rejette l’objectif de 5 % : “Nous ne le ferons pas”
Ce nouveau cap budgétaire n’a cependant pas fait l’unanimité. L’Espagne a publiquement affiché son refus, devenant le principal opposant au sein de l’Alliance. Lors d’une conférence tenue à Madrid le 22 juin, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a affirmé : « L’Espagne vient de conclure un accord avec l’OTAN (…) qui nous permettra de respecter nos engagements envers l’alliance Atlantique (…) sans avoir à augmenter nos dépenses de défense jusqu’à 5 % du produit intérieur brut. » relaye Swissinfo.
Le chef du gouvernement socialiste a justifié sa position par des considérations budgétaires internes : « Pour l’Espagne, s’engager à atteindre un objectif de 5 % ne serait pas seulement déraisonnable, mais aussi contre-productif. » Il estime qu’un tel effort obligerait le pays à franchir des « lignes rouges », notamment : « Soit à augmenter drastiquement les impôts pour la classe moyenne travailleuse, soit à réduire sévèrement l’État-providence. »
Actuellement, l’Espagne consacre environ 1,24 % de son PIB à la défense, selon Reuters, . Même si Madrid a accepté un compromis diplomatique permettant une flexibilité sur les délais — avec une cible possible en 2035 au lieu de 2032 — aucune exemption formelle n’a été validée par les autres États.
L’OTAN sur le bord de l’implosion ?
Le refus espagnol intervient dans un contexte de fortes tensions au sein de l’OTAN, alimentées par les exigences renouvelées des États-Unis. Le président américain Donald Trump, revenu au pouvoir, a conditionné l’engagement de Washington dans l’Alliance au respect de cette cible budgétaire par ses alliés : « Si vous ne payez pas, nous ne vous défendrons pas », a-t-il répété dans plusieurs interventions récentes comme le souligne Time Magazine.
Cette posture américaine a contraint les Européens à renforcer leur effort de défense, notamment en raison de la guerre en Ukraine et de la montée des menaces hybrides. Toutefois, des divisions persistent. La Belgique, par exemple, soutient l’objectif mais tente de négocier un étalement du calendrier, tandis que plusieurs élus flamands qualifient la norme de « totalement loufoque ».
Pour Pedro Sánchez, cette situation est également explosive sur le plan intérieur. Il dirige une coalition fragile, dont plusieurs composantes rejettent toute hausse significative du budget militaire. Le Premier ministre l’a rappelé fermement : « Chaque membre de l’OTAN, en tant que pays souverains, a le droit et l’obligation de choisir s’il veut ou non assumer ces sacrifices. Et nous, en tant que pays souverain, choisissons de ne pas le faire », selon BFMTV.
Un sommet de l'OTAN de juin 2025 : une réunion à haut risque diplomatique
Le sommet de La Haye, qui s’ouvrira mardi 24 juin 2025, s’annonce décisif. L’OTAN y finalisera les termes de son accord, officialisera la nouvelle norme budgétaire à 5 % et définira un cadre de suivi avec un premier bilan prévu en 2029, détaille Politico. Mais l’attitude de l’Espagne risque d’affaiblir la cohésion affichée. Si d’autres membres venaient à suivre son exemple, l’objectif collectif pourrait se vider de sa substance.
La crédibilité de l’Alliance repose sur sa capacité à traduire en chiffres sa solidarité stratégique. Or, la mise en œuvre d’un tel objectif suppose non seulement des moyens, mais aussi une volonté politique partagée.