Fraude CumCum : Bercy accusée par le Sénat d’aider à l’optimisation fiscale

Le 19 juin 2025, le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson (Les Républicains), a lancé une offensive rare contre le ministère de l’Économie. En pleine campagne d’ajustement budgétaire pour 2026, il dénonce une fraude à grande échelle et accuse l’exécutif d’avoir neutralisé une réforme votée à l’unanimité contre le montage fiscal dit du CumCum.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 23 juin 2025 7h11
fraude
Fraude CumCum : Bercy accusée par le Sénat d’aider à l’optimisation fiscale - © Economie Matin
15 MILLIARDS €La fraude à la TVA détectée en 2024 dépasse les 15 milliards d'euros.

CumCum : Un dispositif opaque pour contourner l’impôt sur les dividendes

Le schéma CumCum désigne une pratique d’optimisation fiscale consistant pour des investisseurs non-résidents à prêter temporairement leurs actions à une banque française juste avant le versement de dividendes. Ce prêt leur permet de bénéficier d’une exonération de la retenue à la source, normalement appliquée aux non-résidents, puis de récupérer les actions une fois les dividendes perçus.

Selon le rapport d’information n° 072 du Sénat publié le 7 avril 2023, cette stratégie aurait entraîné un manque à gagner estimé à plus de 33 milliards d’euros pour l’État entre 2000 et 2020. Le rapport souligne : « le lobby bancaire a clairement fait pression pour empêcher l’adoption de mesures efficaces ». Plusieurs enquêtes, notamment celles du Parquet national financier (PNF), sont en cours sur ces pratiques. En 2023, cinq grandes banques françaises ont été perquisitionnées dans ce cadre.

Loi anti fraude fiscale : la réforme vidée de sa substance selon le Sénat

Une loi de finances votée en décembre 2024 visait explicitement à mettre un terme aux montages CumCum. Mais une instruction fiscale publiée au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) en avril 2025 a rouvert une brèche : des exemptions ciblées, obtenues selon le sénateur Husson sous pression du lobby bancaire, sont venues atténuer l’effet du texte législatif.

Jean-François Husson affirme que la Fédération bancaire française (FBF) a proposé ces dérogations. Une note interne datée du 20 mars, qu’il a consultée lors d’un contrôle inopiné à Bercy, révèle un avertissement des services fiscaux sur un « risque polémique sévère » si les exemptions étaient maintenues, relaye Public Sénat.

Dans un entretien accordé à BFM Business, le sénateur se dit « effaré » par la manière dont le gouvernement a modifié l’application de la loi. Il ajoute : « Rien ne les arrête ! […] S’ils ne comprennent pas même en allant sur place, j’irai au clash »

Bercy assume, la FBF minimise, la crise enfle, la fraude fiscale et l’optimisation fiscale vont bon train

Le ministère de l’Économie a défendu son texte, invoquant la cohérence avec l’avis du Conseil d’État. Il assure également que les redressements fiscaux en cours, évalués à plus de 4,5 milliards d’euros, se poursuivent, et que le dispositif n’a pas été désactivé.

De son côté, la FBF rejette les accusations de lobbying agressif. Elle admet avoir « sensibilisé les pouvoirs publics » sur les conséquences économiques potentielles d’une trop forte répression, niant toute tentative d’influence. Dans Le Figaro, elle précise : « Nous n’avons fait que soumettre des observations techniques, comme tout acteur concerné ».

Mais pour L’Humanité, cette affaire illustre une forme de délinquance en col blanc appuyée par un État complice. Le quotidien titre : « Pourquoi le gouvernement a saboté la loi sur la fraude CumCum », évoquant une soumission explicite à la finance et une rupture du contrat démocratique.

Schéma CumCum : Un symbole de la fracture fiscale ?

La polémique tombe au pire moment. Alors que l’exécutif appelle à une mobilisation nationale pour la réduction des déficits, cette affaire ravive un sentiment d’injustice fiscale. Comment demander des efforts aux citoyens si certaines banques peuvent négocier leur fiscalité ?

Pour Husson, la question est politique, économique mais surtout éthique : « Si ce texte n’était pas retiré, je ne vois pas comment demander aux Français de participer aux efforts d’économies collectifs », relaye Le Figaro. À ce jour, aucun retrait du texte d’application n’a été annoncé. Le Sénat a convoqué une nouvelle commission de suivi pour juillet 2025. La tension entre Bercy et la haute assemblée reste intacte.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

No comment on «Fraude CumCum : Bercy accusée par le Sénat d’aider à l’optimisation fiscale»

Leave a comment

* Required fields