Une nouvelle enquête internationale éclaire les attentes de la population face à l’enjeu climatique. Les résultats traduisent une tendance nette en faveur d’une refonte de la fiscalité appliquée aux entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre.
Climat : 83 % des Français veulent taxer les géants fossiles

Le 19 juin 2025, à Bonn, lors des négociations climatiques des Nations unies (SB62), une étude internationale menée par Oxfam et Greenpeace a révélé que 83 % des Français·es et 81 % de la population mondiale soutiennent la mise en place d’une taxe climat sur les entreprises fossiles. Cette publication intervient à quelques jours de l’ouverture de la 4e Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4), prévue à Séville le 30 juin, et souligne une évolution marquée des attentes citoyennes en matière de justice fiscale.
Une étude mondiale qui bouscule les clivages politiques
Réalisée par l’institut Dynata auprès d’un panel de 1 200 personnes dans treize pays, cette enquête présente une photographie inédite du consensus actuel sur la fiscalité climatique. En France, l’adhésion à une taxation des entreprises fossiles transcende les appartenances politiques. Si elle est particulièrement forte chez les électeurs du Nouveau Front Populaire (91 %), elle reste élevée parmi ceux d’Ensemble pour la République (83 %), des Républicains (81 %) et du Rassemblement National (75 %). Le soutien massif enregistré dans tous les segments de la population interrogée, sans distinction d’âge ou de niveau de revenu, témoigne d’un basculement dans l’opinion sur la question de la responsabilité des entreprises face aux effets du dérèglement climatique.
À l’échelle mondiale, 81 % des personnes sondées jugent nécessaire d’imposer une contribution fiscale aux compagnies pétrolières, gazières et charbonnières, afin de financer les coûts engendrés par les catastrophes climatiques, comme les sécheresses, les incendies ou les inondations. En France, 84 % des répondants estiment également que la taxation des grandes fortunes est indispensable pour venir en aide aux populations touchées par ces événements.
Climat et fiscalité : neuf mesures pour inverser la logique
Dans ce contexte, Oxfam France a présenté un plan fiscal structuré autour de neuf propositions sur le capital et la consommation, dont quatre inédites. Ce programme vise à lever 104 milliards d’euros par an dès 2026 afin de financer une transition écologique équitable.
Les propositions incluent notamment une taxe sur les dividendes climaticides, un impôt sur les sociétés ciblant les entreprises les plus émettrices, une taxe verte sur les transactions financières ainsi qu’une surtaxe sur les successions en fonction de l’intensité carbone des biens transmis. D’autres leviers concernent la consommation, comme l’extension du malus automobile aux véhicules les plus polluants, une taxe sur les voyageurs aériens fréquents, ou encore un réalignement de la fiscalité du gaz avec celle de l’électricité. Ce corpus fiscal est conçu pour corriger l’effet régressif de certains dispositifs antérieurs, en réorientant l’effort budgétaire vers les acteurs ayant les plus grandes capacités d’adaptation.
Selon Alexandre Poidatz, responsable plaidoyer inégalités climatiques chez Oxfam France, une telle réforme permettrait de concilier justice fiscale et efficacité environnementale : « Contrairement à ce que sous-entendait la taxe carbone mise en place en 2018, douloureuse pour les ménages les plus modestes, Oxfam propose de faire peser l’essentiel du poids de la transition écologique sur les personnes et entreprises qui émettent le plus et qui ont le plus de marge de manœuvre et de pouvoir pour réduire leurs émissions rapidement. »
Les géants du fossile : 400 milliards de dollars en jeu
Les chiffres avancés dans l’étude appuient cette orientation. En 2024, les 590 plus grandes compagnies pétrolières, gazières et charbonnières ont réalisé ensemble 583 milliards de dollars de bénéfices, soit une hausse de 68 % par rapport à 2009. Taxer ces profits excessifs pourrait générer jusqu’à 400 milliards de dollars la première année, un montant comparable aux coûts estimés des pertes et dommages climatiques dans les pays du Sud, qui varient entre 290 et 1 045 milliards de dollars par an d’ici 2030.
De plus, les émissions annuelles de 340 de ces entreprises, pour lesquelles des données sont disponibles, représenteraient plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine humaine. D’après les estimations, leurs émissions sur une seule année pourraient causer jusqu’à 2,7 millions de décès liés à la chaleur au cours du siècle à venir.
Oxfam soutient que cette nouvelle fiscalité permettrait non seulement de rediriger les investissements vers les énergies renouvelables, devenues plus compétitives, mais aussi d’accélérer la transition des modèles économiques des grands groupes industriels.
Une équation politique : les citoyens veulent des choix forts
En France, 73 % des personnes interrogées déclarent qu’elles seraient plus enclines à voter pour un candidat qui priorise la taxation des grandes entreprises polluantes et des ultra-riches. Ce résultat, constant dans l’ensemble du spectre électoral, laisse penser qu’un soutien politique à ces mesures pourrait rencontrer un accueil favorable dans l’opinion publique.
Pour Lorelei Limousin, chargée de campagne chez Greenpeace France, l’enjeu est d’autant plus stratégique que le dérèglement climatique devient structurel. Elle souligne : « Les événements climatiques extrêmes sont de plus en plus intenses et fréquents, et ce sont les populations qui en payent la facture. Face à un soutien populaire sans équivoque pour faire payer l’industrie fossile pour les dommages climatiques, qu’attendent Emmanuel Macron et son gouvernement pour passer à l’acte ? »