Invisible pour certains, omniprésente pour d’autres, la force Sentinelle se déploie partout en France. Mais que sait-on vraiment de cette opération militaire née de l’urgence et que le président Emmanuel Macron souhaite aujourd’hui renforcer ?
Macron muscle Sentinelle : menace, stratégie et millions d’euros en jeu

Une force née d’un choc, mobilisée depuis janvier 2015
Le 7 janvier 2015, les attaques contre Charlie Hebdo marquent un tournant : l’État décide de déployer immédiatement des forces militaires sur le sol national. L’opération Sentinelle est ainsi lancée dans l’urgence par le gouvernement français, avec pour objectif clair : protéger les populations contre la menace terroriste. Depuis, son format a été ajusté mais jamais abandonné.
Aujourd’hui, environ 7 000 soldats sont déployés quotidiennement sur le territoire, avec une capacité d’extension jusqu’à 10 000 en cas de menace élevée, selon les données officielles du ministère des Armées. Cette opération, rattachée à l’armée de Terre, mobilise également la réserve opérationnelle. Les militaires patrouillent en uniforme, armés, dans les lieux jugés sensibles : gares, aéroports, lieux de culte, institutions, et même événements culturels ou sportifs à forte affluence.
Sentinelle : une mission d’appui, pas de maintien de l’ordre
Contrairement à une idée reçue, la mission Sentinelle n’est pas là pour réprimer ni contrôler, mais pour protéger. Le ministère des Armées est formel : « Sentinelle agit en appui aux forces de sécurité intérieure, dans un cadre strictement défini par les autorités civiles » (Défense.gouv.fr, page “Opération Sentinelle”, consultée le 16 juin 2025). Leur présence vise donc à dissuader et intervenir en cas d’attaque armée, et non à gérer les manifestations ou troubles publics.
Pour répondre à une critique ancienne sur la dispersion des effectifs, le format a été réorganisé en 2024-2025 : le dispositif se concentre désormais sur des zones à haute densité ou à risque, tout en gardant une souplesse de réactivité à l’échelle nationale.
Macron veut renforcer Sentinelle : pourquoi maintenant ?
Lors d’un déplacement officiel début juin 2025, Emmanuel Macron a affirmé sa volonté de « renforcer la présence visible des militaires sur le territoire », invoquant une montée des tensions géopolitiques et des menaces hybrides. L’Élysée s’inquiète notamment d’attaques visant les symboles de la République ou d’actes isolés inspirés de discours extrémistes.
Le chef de l’État n’a pas annoncé de chiffre précis, mais l’option d’une montée en puissance vers 11 000 ou 12 000 soldats est sur la table. À noter que le Président avait déjà initié un recentrage stratégique de l'opération début 2024, préférant une logique « d’intervention ciblée » plutôt que de « patrouilles dispersées ».
Une sécurité qui coûte cher : 1 million d’euros par jour
Protégée mais coûteuse, la mission Sentinelle représente un investissement budgétaire conséquent. Selon les estimations du ministère des Armées, elle mobilise en moyenne 1 million d’euros par jour. Sur dix ans, cela pourrait représenter plus de 3 milliards d’euros, incluant la logistique, les soldes, les rotations et les équipements.
Si certains responsables politiques questionnent l’efficacité de l’opération, les autorités militaires défendent une posture indispensable. Elle permet, disent-ils, d’assurer une « capacité de réaction immédiate », notamment dans des lieux où la menace ne peut être neutralisée autrement. En mars 2025, le ministre des Armées avait déclaré que « Sentinelle est un filet de sécurité vital dans la défense globale du territoire ».
Une opération en mutation, mais toujours indispensable
Sentinelle n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était en 2015. Désormais mieux ciblée, plus mobile, elle s’adapte à une menace mouvante et moins visible. Les militaires eux-mêmes bénéficient de formations spécifiques à la surveillance urbaine et aux techniques de neutralisation rapide. La doctrine évolue, mais la mission reste la même : protéger les Français là où la menace peut frapper.
Alors que Paris s’apprête à accueillir plusieurs événements internationaux dans les mois à venir, Sentinelle devrait encore intensifier sa présence. Et ce, sans que personne ne s’en aperçoive vraiment. Jusqu’au jour où leur vigilance évite le pire.