Nissan s’effondre : l’alliance avec Renault menacée par 20 000 licenciements

Le constructeur japonais Nissan traverse une crise sans précédent, annonçant une perte record de 670,9 milliards de yens (environ 4,1 milliards d’euros) pour l’exercice fiscal 2024-2025. Cette situation dramatique pousse l’entreprise à engager une restructuration drastique, marquée par la suppression de 20 000 emplois et la fermeture de 7 de ses 17 usines à travers le monde.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 14 mai 2025 12h00
Nissan
Nissan s’effondre : l’alliance avec Renault menacée par 20 000 licenciements - © Economie Matin
20 000 postesNissan prévoit de supprimer 20 000 postes d'ici 2027

Une perte historique et des mesures radicales

La perte colossale de Nissan s'explique par une combinaison de facteurs : une baisse significative des ventes, notamment en Chine, au Japon et en Europe, une structure de coûts trop élevée et des charges exceptionnelles liées à la dépréciation d'actifs. Le PDG Ivan Espinosa a déclaré : "La réalité est claire : nous avons une structure de coûts très élevée. Pour compliquer encore les choses, le marché mondial est volatil et imprévisible, ce qui rend la planification et l'investissement de plus en plus difficiles."

En réponse, Nissan prévoit de réduire son nombre d'usines de 17 à 10 d'ici 2027 et d'éliminer 20 000 postes, soit 15 % de ses effectifs mondiaux. Cette décision marque une rupture avec la tradition japonaise de stabilité de l'emploi, notamment avec des fermetures prévues au Japon même.

Des causes multiples à une crise profonde

Plusieurs facteurs ont conduit Nissan à cette situation critique. Le marché automobile mondial a été surévalué après la pandémie de Covid-19, et Nissan a surestimé la demande, dimensionnant ses usines pour une production de 8 millions de véhicules par an, alors que la demande réelle est bien inférieure.

De plus, bien que pionnier dans le domaine des véhicules électriques avec la Nissan Leaf, le constructeur s'est fait dépasser par Tesla et les marques chinoises. L'échec des discussions de fusion avec Honda et l'abandon d'un projet d'usine de batteries d'un milliard de dollars au Japon ont également affaibli la position de Nissan.

Les tensions commerciales, notamment les droits de douane de 25 % imposés par les États-Unis sur les véhicules importés, ont ajouté une pression supplémentaire sur les finances de l'entreprise.Renault, qui détient 35,71 % du capital de Nissan, subit de plein fouet les conséquences de cette crise. Les pertes de Nissan devraient entraîner une dégradation du résultat net de Renault de 2,2 milliards d'euros au premier trimestre 2025.

Cette situation met en lumière la fragilité de l'Alliance Renault-Nissan, déjà mise à mal par des divergences stratégiques et des tensions internes ces dernières années.

Un avenir incertain

Malgré les mesures prises, l'avenir de Nissan reste incertain. L'entreprise n'a pas fourni de prévisions de bénéfices pour l'exercice en cours, invoquant des incertitudes liées à l'environnement commercial mondial. Les agences de notation, telles que Moody's, ont abaissé la note de la dette de Nissan, la plaçant en catégorie spéculative en raison de sa faible rentabilité et de son endettement élevé.

Le PDG Ivan Espinosa a exprimé sa volonté de redresser la situation : "Nous ne ferions pas cela si ce n'était pas nécessaire pour survivre."

La crise que traverse Nissan est symptomatique des défis auxquels est confrontée l'industrie automobile mondiale : transition vers l'électrique, tensions commerciales, surcapacités de production et évolutions rapides des marchés. Pour Nissan, le chemin vers la reprise sera semé d'embûches, et son succès dépendra de sa capacité à s'adapter rapidement à un environnement en constante évolution.

Renault et Nissan : une alliance qui tourne au boulet

L’histoire d’amour entre Renault et Nissan ressemble aujourd’hui à une liaison toxique dont on n’arrive pas à se défaire. Tout commence en 1999 : Renault, alors dirigé par Louis Schweitzer, entre au capital du constructeur japonais, exsangue financièrement, et envoie Carlos Ghosn en mission commando. Le Brésilien réorganise, coupe dans les coûts, ferme des usines et relance la machine japonaise. Pendant deux décennies, les dividendes coulent à flot : 8 milliards d’euros versés à Renault entre 1999 et 2024.

Mais l’idylle vire à l’hostilité. L’arrestation de Ghosn en 2018, les querelles de gouvernance, les divergences stratégiques, puis l’échec de projets conjoints (comme la fusion avec Honda ou la coentreprise dans l’électrique) scellent une fracture profonde. L’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, vantée comme un modèle de synergie transcontinentale, devient un conglomérat lourd et désuni.

Et pourtant, Renault reste exposé. À hauteur de 35,71 %, le constructeur français détient une participation suffisante pour être durablement affecté par les résultats catastrophiques de son ex-partenaire. La chute de Nissan, ce n’est pas qu’un problème japonais : c’est une menace directe pour l’équilibre financier de Renault, qui voit fondre sa valorisation boursière et ses perspectives industrielles.

Autre ironie cruelle : malgré la refonte annoncée des accords en février 2023 pour réduire l’influence croisée, les comptes sont toujours interconnectés. La « séparation » n’est que de façade. Le mariage est peut-être mort, mais le divorce n’a jamais été prononcé.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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