LVMH exploite les travailleurs : Loro Piana visée par la justice italienne

Derrière l’éclat du luxe, les rouages sombres d’une industrie sous tension. En Italie, un nom prestigieux se retrouve sous administration judiciaire : Loro Piana. Le groupe spécialisé dans le cachemire, propriété de LVMH, est accusé d’avoir tout bonnement exploité des travailleurs étrangers.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Last modified on 15 juillet 2025 13h30
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LVMH exploite les travailleurs : Loro Piana visée par la justice italienne - © Economie Matin
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Le 14 juillet 2025, la justice italienne a placé la maison de luxe Loro Piana, propriété à 80 % du groupe LVMH, sous administration judiciaire pour une durée d’un an. L’accusation : avoir « colposamente agevolato lo sfruttamento lavorativo » – autrement dit, facilité de manière fautive l’exploitation de travailleurs, majoritairement chinois, employés dans des conditions jugées indignes, comme l'explique l'Espresso. La dernière d’une longue liste d’enquêtes sur les pratiques sociales dans les chaînes de sous-traitance de l’industrie du luxe.

Loro Piana : Une exploitation systémique au cœur de la chaîne du luxe

Selon l’enquête du parquet de Milan, menée par le procureur Paolo Storari, Loro Piana aurait délégué la production de ses vêtements à des sous-traitants, eux-mêmes impliqués dans une cascade de sous-sous-traitances, jusqu’à des ateliers clandestins tenus par des ressortissants chinois. Les juges parlent d’un « système organisé pour réduire les coûts et maximiser les profits », bâti sur le dos d’ouvriers précaires, invisibles et surexploités. Un schéma déjà mis au jour dans d’autres maisons du groupe, comme Valentino, Dior, Armani ou Alviero Martini, qui ont également fait l’objet de mesures judiciaires ces derniers mois.

L’enquête révèle un enchaînement précis : Loro Piana externalisait la fabrication à Evergreen Fashion Group Srl, société sans unités de production, qui la transmettait à Sor-Man, elle-même sous-traitant de deux ateliers gérés par Clover Moda Srl (Baranzate) et Dai Meiying (Senago). Ces structures employaient des ouvriers chinois « au noir », contraints de travailler jusqu’à 13 heures par jour, sans jour de repos, dans des dortoirs insalubres, sans équipements de sécurité, ni suivi médical.

Loro Piana et LVMH : l’exploitation des travailleurs fait le luxe

Loro Piana, bien que non poursuivie pénalement, est accusée d’avoir « manqué à son devoir de vigilance ». Le tribunal dénonce une « absence généralisée de modèles organisationnels », des audits internes « purement formels » et une incapacité à superviser la chaîne de production, malgré les alertes et les précédents dans le secteur.

Les magistrats estiment que ces défaillances ont « favorisé structurellement » l’exploitation, permettant au système de se pérenniser. Les vêtements en cachemire étaient ainsi fabriqués pour environ cent euros pièce, avant d’être revendus entre 1 000 et 3 000 euros dans les boutiques de la marque. Soit dix fois plus cher.

Sanctions : administration judiciaire et remise en ordre

Le placement en administration judiciaire de Loro Piana est une mesure rare mais symboliquement forte. Durant un an, les dirigeants actuels seront assistés par des administrateurs judiciaires nommés par le tribunal. Objectif : assainir les pratiques, vérifier les contrats de sous-traitance et garantir le respect du droit du travail.

Ce scandale vient une nouvelle fois ternir l’image du groupe LVMH, propriété de la famille Arnault, déjà sous pression pour ses méthodes de production. En dépit de ses engagements affichés en matière d’éthique et de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), les révélations de la justice italienne mettent en lumière une fracture persistante entre la vitrine du luxe et ses arrière-boutiques. Avec un chiffre d’affaires annuel de 1,3 milliard d’euros et plus de 2 300 salariés, Loro Piana est l’un des joyaux du groupe.

Loro Piana a réagit dès le 14 juillet à ces accusations, dont elle prend acte :
Loro Piana prend acte de la notification reçue aujourd’hui de la part de la Sezione Misure di Prevenzione du Tribunal de Milan concernant les pratiques de travail au sein d’un sous-traitant non déclaré et non autorisé de l’un de ses fournisseurs.
Loro Piana a été informée de cette situation le 20 mai et, en conséquence, la Maison a mis fin à toute relation avec le fournisseur concerné en moins de 24 heures.
Loro Piana condamne fermement toute pratique illégale et réaffirme son engagement indéfectible en faveur du respect des droits humains et de la conformité à toutes les réglementations en vigueur tout au long de sa chaîne d’approvisionnement.
Loro Piana est déterminé à veiller à ce que l’ensemble de ses fournisseurs respecte les normes éthiques et de qualité les plus strictes de la Maison, conformément à son Code de Conduite. Dans cette optique, Loro Piana mène régulièrement des activités de contrôle et d’audit, qu’elle continuera à renforcer.
Les coûts évoqués ne reflètent pas les montants réellement versés par Loro Piana à son fournisseur et ne prennent pas en compte l’ensemble des éléments constitutifs de la valeur *des produits*, notamment les matières premières et les tissus.
Loro Piana exprime sa pleine volonté de coopérer avec les autorités compétentes dans le cadre de cette affaire et entend apporter toute contribution nécessaire à d’éventuelles enquêtes complémentaires.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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