Livret H : pour l’hôpital aussi le gouvernement veut votre épargne

La Fédération hospitalière de France (FHF) propose la création d’un « livret H », sur le modèle du Livret A, pour pallier le sous-financement chronique des établissements de santé.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 10 mars 2025 14h42
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livret-h-hopital-le-gouvernement-votre-epargne - © Economie Matin
442,5 milliards d’€En décembre 2024, les fonds du livret A atteignaient 442,5 milliards d’€.

Le 7 mars 2025, la Fédération hospitalière de France (FHF) a relancé une idée qui traîne dans les cartons depuis plusieurs années : la création d’un "livret H", destiné à financer les hôpitaux publics en crise. Inspiré du Livret A, ce dispositif permettrait aux Français de placer leur argent en bénéficiant d’un taux garanti, tout en participant à la modernisation du système hospitalier.

Un "livret H" pour sauver les hôpitaux publics en manque d'investissement

Depuis des années, le secteur hospitalier souffre d’un manque de financements. La crise du Covid-19 avait déjà mis en lumière cette réalité, et malgré les efforts budgétaires ponctuels, le problème persiste. Selon la FHF, 40 % des établissements publics sont aujourd’hui incapables d’investir dans du matériel moderne ou de rembourser leurs dettes passées.

Le principe du "livret H" serait simple : permettre aux Français d’y placer leur épargne, avec une rémunération indexée sur celle du Livret A. L’argent collecté serait ensuite dirigé vers les hôpitaux pour financer des équipements coûteux comme les "gros plateaux techniques". "Ce serait un symbole fort", explique Cécile Chevance, responsable du pôle finances de la FHF, qui rappelle que la santé est l’une des premières préoccupations des Français.

Deux scénarios sont envisagés pour mettre en place ce livret. La première option consisterait à utiliser une partie des fonds du Livret A, qui atteignait un encours de 442,5 milliards d’euros en décembre 2024, selon la Caisse des dépôts. La seconde option reposerait sur la création d’un livret totalement indépendant, avec une gestion spécifique dédiée aux hôpitaux.

Le succès de cette initiative dépendrait en grande partie de l’adhésion du gouvernement et des épargnants. Un des enjeux majeurs réside dans la fixation du taux de rémunération : s’il est trop faible, il ne suscitera pas l’intérêt des Français ; s’il est trop élevé, il pourrait peser sur les finances publiques.

Une épargne nationale très convoitée : la concurrence de la défense

L’idée d’un livret dédié à la santé arrive au moment où l’État explore d’autres pistes pour financer ses priorités. Avec les tensions internationales croissantes, l’exécutif envisage un "livret D" (comme Défense), qui permettrait de financer le réarmement de la France.

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a évoqué l’hypothèse d’un appel à l’épargne nationale pour soutenir le budget militaire, assurant que cette mobilisation resterait "volontaire". De son côté, Emmanuel Macron a laissé entendre, lors de son allocution du 5 mars 2025, que des "efforts budgétaires" seraient demandés aux Français.

Cette situation pose un dilemme pour l’État, qui doit arbitrer entre ces deux besoins fondamentaux. Si le gouvernement décide de privilégier la défense, la mise en place du "livret H" pourrait être reléguée au second plan, voire abandonnée.

Que pensent les Français de cette initiative ?

L’idée d’un "livret H" suscite des réactions partagées. Certains saluent une initiative permettant d’associer l’épargne des ménages à un enjeu de santé publique. D’autres s’inquiètent d’un éventuel détournement de fonds ou d’une récupération politique de cette épargne.

Philippe Crevel, président du Cercle de l'Épargne, prévient que "le taux de rémunération ne doit pas être trop faible", sous peine de ne pas attirer les épargnants, ni trop élevé, au risque de grever les finances publiques. Cette initiative pourrait donner des idées à d’autres secteurs. Pourquoi l’agriculture, le tourisme ou encore la transition énergétique ne pourraient-ils pas revendiquer, eux aussi, un dispositif similaire pour se financer ?

Si les Français sont majoritairement attachés à l’hôpital public, encore faut-il qu’ils acceptent de confier leur argent à un livret qui, en cas de mauvaise gestion, pourrait se transformer en gouffre financier.

Un pari risqué pour l’avenir des hôpitaux ?

Le "livret H" a le mérite d’exister sur le papier, mais sa concrétisation, il dépendra de plusieurs facteurs. Il faudra d’abord une volonté gouvernementale forte pour le mettre en place et arbitrer entre ce projet et le "livret D" destiné à la défense. Ensuite, l’adhésion des Français sera essentielle pour garantir son succès, tout comme la fixation d’un taux de rémunération équilibré.

Si l’État décide de privilégier la défense, il est peu probable que le projet de la FHF voie le jour. Mais si l’opinion publique se mobilise en faveur des hôpitaux, la pression politique pourrait contraindre le gouvernement à donner sa chance à cette épargne solidaire.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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