Fuite des grandes fortunes : voici les nouvelles destinations de 2025

Le monde de la haute finance vit un basculement discret mais profond : pour la première fois, un pays européen dépasse la Chine en nombre de milliardaires fuyant ses frontières. Dans ce grand jeu de chaises musicales mondialisé, où les ultra-riches installent-ils désormais leur résidence ? Une question aussi politique qu’économique, aussi symbolique que fiscale.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 8 juillet 2025 6h30
Fuite des grandes fortunes : voici les nouvelles destinations de 2025
Fuite des grandes fortunes : voici les nouvelles destinations de 2025 - © Economie Matin
124%Le Monténégro a enregistré une croissance de 124% des installations de millionnaires entre 2014 et 2024, soit le taux le plus rapide du monde, tout juste devant les Émirats arabes unis.

Les milliardaires ne cherchent plus l’opulence : ils cherchent la stabilité

Les Émirats arabes unis ne se contentent plus de tours clinquantes : ils raflent la première place des pays les plus attractifs pour les milliardaires. Selon le Henley Private Wealth Migration Report 2025, l’émirat attirera 9.800 nouveaux millionnaires en 2025. Un chiffre record qui dépasse même les États-Unis, pourtant champions historiques du capital d’attraction.

Les raisons ? Une fiscalité inexistante sur les revenus, des politiques favorables à l’investissement étranger et un écosystème ultra-connecté entre Dubaï, Abu Dhabi et Riyad. Pour Andrew Amoils, chef de recherche chez New World Wealth, « les personnes fortunées ne recherchent pas seulement des réductions d’impôts mais aussi un environnement sûr, bien connecté et propice à la croissance de leur capital ».

Les États-Unis, eux, n’ont pas dit leur dernier mot. Ils accueillent 7.500 millionnaires, séduits par la robustesse du système financier et les nouvelles facilités de résidence mises en place sous l’administration actuelle.

L’Europe du Sud s’impose aussi comme une destination stratégique. L’Italie (+3.600), le Portugal (+1.400) et la Grèce (+1.200) offrent désormais des régimes fiscaux hautement compétitifs, souvent combinés à des dispositifs de visa doré. Loin de l’image d’un vieux continent fiscalement étouffant, ces pays jouent la carte de la douceur de vivre et de l’optimisation légale.

Le Royaume-Uni, nouveau repoussoir fiscal pour les milliardaires

C’est l’information la plus brutale du rapport Henley : le Royaume-Uni perd 16.500 millionnaires en 2025. Une hémorragie inédite. La suppression du régime fiscal des « non-doms », cumulée à une réforme de l’imposition sur les successions, provoque ce que certains commentateurs appellent déjà une « Wexit » — fuite des riches hors du royaume. Dans Business Insider, Juerg Steffen, le PDG de Henley & Partners, est catégorique : « Pour la première fois en dix ans de suivi, un pays du continent européen devient le leader mondial de la fuite des millionnaires ». Selon lui, ce basculement reflète une conviction de plus en plus ancrée chez les très fortunés : « la stabilité, la liberté et les opportunités résident désormais ailleurs ».

La Chine n’est pas en reste : avec 7.800 départs, elle perd sa position de centre asiatique de la richesse. Là aussi, la combinaison d’un contrôle accru sur les capitaux, de tensions géopolitiques et de mesures fiscales dissuasives pousse les familles à installer leur résidence ailleurs, notamment à Singapour ou aux Émirats.

Une fiscalité avantageuse ne suffit pas à elle seule à attirer les grandes fortunes

Ce que révèle ce classement mondial, c’est un changement de paradigme. Les milliardaires ne fuient plus seulement l’impôt : ils fuient l’imprévisibilité politique, les tensions sociales croissantes, et les freins à la mobilité de leur patrimoine. Marc Acheson, directeur chez Utmost Wealth Solutions, observe dans WealthBriefing : « Ce ne sont pas uniquement les changements de régime fiscal qui expliquent cette migration, mais un faisceau de considérations : climat réglementaire, sécurité, qualité de vie et accès aux marchés internationaux ».

L’Arabie saoudite fait ainsi figure de surprise avec un gain net de 2.400 millionnaires, en grande partie des citoyens revenant au pays, attirés par les mégaprojets de modernisation et l’ouverture économique initiée par le programme Vision 2030. Quant à la Thaïlande et l’île Maurice, elles gagnent du terrain grâce à des programmes de résidence simplifiés et des infrastructures en pleine expansion.

Les États-Unis rabattent les cartes, l’Europe à la croisée des chemins

La question migratoire des milliardaires se politise. Aux États-Unis, l’initiative controversée baptisée « Trump Gold Card Visa » — permettant une voie accélérée à la résidence contre investissement supérieur à 5 millions de dollars — fait débat. Pour certains analystes, ces dispositifs accentuent les inégalités et minent la légitimité fiscale. Pour d’autres, ils sont le reflet d’un capitalisme mondialisé, où les citoyens fortunés choisissent leur pays comme on choisit une compagnie d’assurance. Dans Forbes, Nuri Katz, fondateur d’Apex Capital Partners, résume la situation avec ironie : « L’important n’est pas où l’on vit, mais où l’on est résident. C’est devenu un produit comme un autre ».

Alors que la France, l’Allemagne et la Suède enregistrent des pertes nettes de millionnaires (entre –800 et –50), la question devient brûlante pour les gouvernements : comment conserver ces profils stratégiques sans tomber dans le chantage fiscal ? La réponse pourrait bien résider dans des stratégies hybrides, mêlant attractivité économique et régulation accrue de l’optimisation.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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