Instagram : l’IA traque les mineurs qui mentent sur leur âge

Un nouvel outil se glisse dans les coulisses des réseaux sociaux, bien décidé à faire le ménage chez les prétendus adultes de 14 ans. Si la technologie promet de protéger les plus jeunes, elle soulève aussi pas mal de questions.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 22 avril 2025 10h21
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instagram-compte-ado-securite-parent-surveillance - © Economie Matin
54,16 MILLIARDS $En 2022, le chiffre d'affaires estimé de la publicité sur Instagram est de 54,16 milliards de dollars.

Le 21 avril 2025, Instagram, propriété du groupe Meta, a officialisé un virage technologique majeur dans sa stratégie de protection des mineurs. Le réseau social déploie désormais une intelligence artificielle (IA) capable d’identifier les utilisateurs adolescents qui mentent sur leur âge pour contourner les restrictions de la plateforme.

Instagram déploie l’intelligence artificielle pour détecter les faux profils de mineurs

Le réseau social ne se fie plus uniquement à la bonne foi de ses utilisateurs. Désormais, lorsqu’un internaute tente de modifier sa date de naissance pour se vieillir artificiellement, une analyse comportementale est automatiquement lancée. L’IA déployée par Instagram repère les signaux suspects : fréquence d’utilisation, interactions, types de contenus consommés, rythme de publication.

Selon une étude commandée par l’Ofcom (régulateur britannique), « un tiers des enfants présents sur les réseaux sociaux ont déclaré une fausse date de naissance » pour contourner les limites d’âge imposées, fixées à 13 ans minimum pour l’ouverture d’un compte. Des chiffres qui justifient, selon Meta, l’utilisation d’un système plus intrusif mais prétendument plus efficace.

« Nous commençons à tester (...) une technologie d'intelligence artificielle qui trouvera de manière proactive les comptes que nous soupçonnons d'appartenir à des adolescents », a déclaré un porte-parole d'Instagram, cité par BFM Tech.

Instagram active un mode “adolescent” automatisé pour les profils jugés trop jeunes

Que se passe-t-il lorsqu’un utilisateur est détecté comme mineur malgré une date de naissance indiquant le contraire ? Il est aussitôt reclassé en "Teen Account", un type de compte au fonctionnement profondément restreint : messagerie bloquée pour les inconnus, contenu sensible masqué, notifications désactivées la nuit, filtrage des interactions.

Ces comptes adolescents sont privés par défaut. Ils « limitent les interactions des jeunes avec leurs connaissances de la vie réelle, contrôlent leur temps d’écran et permettent un contrôle parental », souligne Siècle Digital. Cette stratégie n’est pas neuve : Instagram avait déjà annoncé en septembre 2024 l’arrivée de ces profils surveillés. Ce qui change aujourd’hui, c’est l’activation automatique de ces restrictions sans validation explicite de l’utilisateur, en se basant uniquement sur des indices algorithmiques.

Meta verrouille l’expérience des jeunes… tout en contournant le débat sur la responsabilité

L’objectif est clair : offrir « une expérience plus sûre et adaptée aux adolescents », selon les termes de Meta. Mais la manœuvre suscite déjà des critiques sur les plans juridique, éthique et éducatif.

L’entreprise justifie cette méthode automatisée comme une alternative plus fiable à d’autres tentatives avortées : vérification par selfie vidéo, validation par un proche ou encore demande de pièce d’identité. Toutes ont été écartées au profit d’une IA interne que Meta veut aussi rapide qu’invisible.

Instagram assure que les parents seront notifiés de toute détection de profil adolescent et que les moins de 16 ans devront obtenir leur aval pour modifier les paramètres restrictifs. Les parents pourront aussi consulter les interlocuteurs récents de leur enfant, imposer des plages horaires sans accès à l’application ou consulter les thématiques explorées. De quoi séduire certains, effrayer d’autres.

Instagram : un outil de contrôle... ou de marketing ciblé ?

Derrière le vernis protecteur, cette évolution soulève une question centrale : s’agit-il vraiment de sécurité, ou d’un nouveau levier marketing dissimulé ? En filtrant davantage les utilisateurs selon leur âge réel, Instagram affûte aussi ses outils de ciblage publicitaire et adapte ses recommandations. Plus l’algorithme en sait, plus il vend bien.

Pour Meta, c’est aussi une réponse stratégique à la désaffection croissante des jeunes envers Instagram et Facebook. En renforçant sa posture de plateforme “safe”, le groupe espère reconquérir un public adolescent de plus en plus volatile… tout en coupant l’herbe sous le pied de régulations plus contraignantes.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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