Alerte : la France a besoin d’ingénieurs, et vite !

Face à une pénurie annoncée d’ingénieurs, l’Institut Montaigne propose moins de philo, plus de techno. Et une hausse ciblée des frais de scolarité.

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By Grégoire Hernandez Published on 21 mai 2025 9h30
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Alerte : la France a besoin d’ingénieurs, et vite ! - © Economie Matin
70 %70 % des entreprises ont déjà du mal à embaucher des ingénieurs, et 80 % pour les techniciens.

60 000 ingénieurs et techniciens à produire en plus chaque année. C’est le chiffre qui claque. Et le prix à payer ? Moins de poésie, plus de physique. Et une licence à 1 500 euros.

Une réforme qui commence à l’école

L’industrie française, en quête de relance, cherche ses nouveaux cerveaux. Et le diagnostic est simple : elle ne les trouve pas. Selon le rapport de l’Institut Montaigne, « l’économie française a besoin de 100 000 ingénieurs et techniciens de plus, tous les ans, jusqu’en 2035 ». Et pas dans dix ans : dès maintenant. Pour y arriver, il faudra former 60 000 diplômés supplémentaires par an, en plus de 40 000 reconversions.
Objectif ? Une réindustrialisation « modérée ». L'objectif est de faire remonter la part de l’industrie à 12 % du PIB. En clair, produire plus, innover plus, mais sans assez de bras ni de têtes pour faire tourner les machines. Résultat : des recrutements en tension. 70 % des entreprises ont déjà du mal à embaucher des ingénieurs, et 80 % pour les techniciens.

Pour combler l’écart, tout le système doit bouger. « Cela commence par l’école », insiste Éric Labaye, coauteur du rapport, ex-président de Polytechnique. L’idée ? Redonner le goût des sciences dès le primaire. Puis, au collège et au lycée, multiplier les immersions en entreprises, c'est à dire une journée par mois dans une usine ou un laboratoire.
Mais il ne suffit pas de susciter des vocations. Il faut aussi les accompagner. Le rapport propose de changer l’orientation de 5 à 10 % d’une classe d’âge vers les sciences, en fixant des objectifs chiffrés aux proviseurs. Et si un élève a esquivé les maths au lycée ? Aucun souci, tranche Labaye : « Ce n’est pas parce que vous n’avez pas choisi la spécialité maths que vous n’avez pas le potentiel pour faire des maths ! ».
La diversité est aussi un levier essentiel. Le rapport appelle à porter à 40 % la part de femmes dans les écoles d’ingénieurs, contre 29 % aujourd’hui, en adaptant les cursus : cours d’ouverture en humanités, vie associative plus riche, et lutte active contre les stéréotypes de genre.

Ingénieurs : le coût de la licence multiplié par dix ?

Mais comment former plus sans creuser le déficit public ? L’Institut Montaigne avance trois leviers. D’abord, augmenter le nombre d’élèves par professeur (+5 à 10 %). Ensuite, réallouer les moyens vers les filières scientifiques. Traduction : réduire la voilure des formations jugées peu insérantes, comme certaines licences de lettres ou de psychologie.
Une suggestion qui ne va pas faire que des heureux. Car le rapport pointe aussi une gouvernance universitaire jugée « mal pilotée », trop éloignée des besoins du monde économique. Et salue la mise en place du système Quadrant, qui permettra de mesurer les taux d’insertion professionnelle de chaque formation. Une donnée qui pèsera lourd dans les arbitrages.

Troisième levier : augmenter les frais de scolarité. Une proposition explosive, même si elle se veut ciblée. Le rapport chiffre les besoins de financement à 440 millions d’euros. Mais en cumulant toutes les options, on peut aller jusqu’à 1 milliard. Dans ce scénario, une licence coûterait 1 500 euros par an (contre 175 euros aujourd’hui), un master 3 000 euros (contre 250 euros). Les boursiers seraient exemptés. Quant aux étudiants étrangers, ils verraient leurs frais grimper de 50 %.
L’objectif ? Couvrir jusqu’à la moitié des besoins en financement. Mais la question reste entière : est-ce le bon moment pour faire payer plus ceux qui veulent étudier ? Et surtout : cette stratégie suffira-t-elle à rendre les métiers scientifiques plus attractifs ?

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Étudiant en école de journalisme. Journaliste chez Économie Matin depuis septembre 2023.

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