L’abandon du programme hydrogène par Stellantis entraîne un effet domino. Cette décision stratégique interroge la rentabilité du modèle industriel français fondé sur les nouvelles énergies. Une alerte sévère pour les investisseurs et l’État.
Hydrogène : Stellantis renonce, l’industrie encaisse les pertes

Le 16 juillet 2025, Stellantis a annoncé l’arrêt immédiat de son programme hydrogène. Ce retrait brutal des utilitaires hydrogène constitue un désaveu économique cinglant pour la stratégie industrielle française en matière d’énergie. Il signe aussi l’échec d’une tentative de structuration d’une filière encore embryonnaire, mais lourdement subventionnée.
Le constructeur justifie ce retrait par une absence de perspectives de rentabilité à moyen terme. En clair : les volumes de vente, les infrastructures de recharge, et les incitations fiscales ne sont pas au rendez-vous pour rendre viable la technologie hydrogène.
Un investissement à huit chiffres évaporé dans l’hydrogène
Avec l’arrêt des modèles Citroën ë-Jumpy Hydrogen et Peugeot e-Boxer Hydrogen, c’est l’ensemble du projet Pro One qui est suspendu. Or, Stellantis avait engagé plusieurs dizaines de millions d’euros dans les lignes de production à Hordain et Gliwice. L’État, de son côté, avait fléché des aides à l’investissement industriel via France 2030. Ce retrait précipité invalide tout retour sur investissement à court terme.
Seules 300 unités ont été vendues, selon les chiffres internes du groupe. Un échec commercial lourd, qui sonne comme une alerte pour les autres industriels tentés par l’hydrogène.
Symbio, victime collatérale de la stratégie Stellantis
Les répercussions financières les plus immédiates frappent Symbio, coentreprise entre Stellantis, Michelin et Forvia. Inaugurée fin 2023 à Saint-Fons (près de Lyon), son usine de piles à combustible représentait un investissement de près de 140 millions d’euros.
Or, 80 % de l’activité dépendait de Stellantis. Le groupe ayant rompu sa ligne produit, la viabilité économique du site est compromise. Michelin parle d’une décision « inattendue, brutale et non concertée », tandis que Forvia alerte sur des pertes immédiates.
Stellantis a ouvert des discussions, mais n’a annoncé aucune compensation pour ses partenaires.
Une rentabilité introuvable dans l’hydrogène industriel ?
Stellantis évoque trois obstacles : infrastructures de recharge limitées, coûts d’investissement démesurés, et manque d’incitations publiques suffisantes. « Le marché de l’hydrogène demeure un segment de niche, sans perspectives de rentabilité économique à moyen terme », explique Jean-Philippe Imparato, directeur Europe.
En d’autres termes, même dopé à l’argent public, le modèle ne tient pas. Le coût moyen d’un véhicule hydrogène est estimé à 100 000 euros. Les infrastructures de recharge, rares et coûteuses, empêchent toute massification. Les volumes restent trop faibles pour réduire les coûts unitaires. Et les grands comptes (collectivités, logistique) ne suivent pas.
La désindustrialisation énergétique menace
Ce retrait n’est pas un cas isolé. Renault a également fermé début 2025 son usine d’utilitaires hydrogène à Flins. Le constat est alarmant : deux échecs industriels français, en moins de six mois, pour une technologie censée structurer la transition énergétique.
Dans un contexte où l’Union européenne mise sur l’hydrogène renouvelable comme moteur de réindustrialisation verte, ces replis interrogent. L’argent public a-t-il été investi sur de mauvaises bases ? La chaîne de valeur est-elle structurellement non rentable à ce stade ? Ou la stratégie industrielle manque-t-elle de lisibilité ?
Une chose est certaine : sans clients industriels solides, l’hydrogène ne sera pas l’or bleu de la transition.