L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont publié, le 15 juillet, leur rapport annuel, intitulé Perspectives agricoles 2025-2034. Un document de 362 pages qui contient un message radical. Il est techniquement possible d’augmenter la production agricole mondiale de 10 % d’ici dix ans, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre de 7 %. « Produire plus sans détruire davantage » n’est plus un slogan creux, mais un scénario tangible, à condition de s’en donner les moyens.
Nourrir la planète sans l’asphyxier : la voie tracée par la FAO et l’OCDE

Le défi est de taille. La demande alimentaire mondiale devrait bondir de 13 % d’ici 2034, dopée par l’urbanisation, l’essor des classes moyennes et la croissance démographique dans les pays émergents. Pour y répondre, les projections tablent sur une hausse de 14 % de la production agricole et halieutique. Mais ce boom n’a rien d’anodin. Sans réformes, il entraînerait une augmentation de 6 % des émissions agricoles mondiales, selon les modèles de simulation agroéconomique Aglink-Cosimo utilisés dans le rapport.
Agriculture et environnement : la FAO et l’OCDE misent sur une alliance stratégique
« Alors que la demande alimentaire mondiale continue de croître, le défi consiste à réduire l’impact environnemental de la production agricole tout en assurant la sécurité alimentaire », résument la FAO et l’OCDE dans le rapport. Un euphémisme pour dire que continuer comme avant serait suicidaire. L’agriculture, la sylviculture et l’usage des terres représentent déjà 22 % des émissions anthropiques mondiales. La seule digestion entérique des ruminants, via le méthane, alourdit à elle seule l’empreinte carbone globale.
Or, selon les auteurs, il suffirait d’une augmentation ciblée de 15 % de la productivité agricole, combinée à des changements structurels, pour inverser cette trajectoire. Parmi les leviers identifiés, plusieurs sont déjà disponibles sur le marché. La gestion de l’alimentation du bétail, qualifiée de « centrale », inclut l’optimisation des pâturages, l’usage d’additifs alimentaires, ou encore la valorisation du lisier pour produire du biogaz. Côté cultures, les solutions passent par la réduction du travail du sol, les rotations culturales et surtout l’agriculture de précision (capteurs, traitement GPS, dosage automatisé des intrants), présentée comme un gisement majeur d’efficacité et de séquestration du carbone.
Technologies vertes : un remède accessible ou réservé aux plus riches ?
Mais il y a un hic. « Cependant, en dépit de leur potentiel technique, dans de nombreuses régions ces technologies ont été peu adoptées », avertit le rapport dans des propos partagés par Le Nouvel Obs. Et pour cause, les coûts d’investissement demeurent élevés, les incitations politiques sont faibles, et les infrastructures manquent dans les zones rurales, en particulier dans les pays à bas revenus, là où les besoins alimentaires sont les plus criants. Le rapport souligne d’ailleurs les inégalités flagrantes dans la consommation de protéines animales.
Alors que celle-ci devrait croître de jusqu’à 24 % dans les économies émergentes, elle reste dramatiquement insuffisante dans les pays les plus pauvres, avec une moyenne de 143 kcal/jour, loin des 300 kcal/jour recommandés pour une alimentation équilibrée, d'après le communique de la FAO. L’adoption des « technologies de réduction des émissions », pour reprendre l’expression du rapport, ne sera donc pas un long fleuve tranquille. Elle suppose un accompagnement massif des transitions agricoles : aides à l’investissement, accès au financement, formation technique, politiques de soutien à la modernisation.