La décision risque de peu étonner. Le gouvernement polonais annonce le rétablissement temporaire des contrôles aux frontières avec l’Allemagne et la Lituanie, à compter du 7 juillet 2025.
Frontière rétablie entre Allemagne et Pologne : le début de la fin de Schengen ?

Une mesure censée durer un mois, mais qui soulève déjà des inquiétudes profondes au sein de l’espace Schengen. Qu’est-ce qui pousse Varsovie à cette rupture ? Et que signifie ce geste, à la fois politique et symbolique, pour la libre circulation des Européens ? Car les décisions de ce type se multiplient : frontière Italie-France, frontière Allemagne-France...
Varsovie réactive les contrôles aux frontières avec l’Allemagne et la Lituanie
Le 1er juillet 2025, le Premier ministre polonais Donald Tusk a déclaré dans un communiqué officiel : « Nous avons décidé de temporairement réinstaurer les contrôles aux frontières » avec l’Allemagne et la Lituanie. » (gov.pl, 01/07/2025). La mesure entre en vigueur dès ce 7 juillet, pour une durée initiale de trente jours. Elle concerne prioritairement les véhicules de transport collectif et les passages routiers. Cinquante-deux points de contrôle ont été installés à la frontière ouest, treize à l’est.
Les autorités polonaises invoquent une pression migratoire anormale et déclarent que leur décision est « irrévocable ». Varsovie accuse Berlin de renvoyer unilatéralement des migrants sur son sol. Quant à la frontière lituanienne, elle serait devenue une nouvelle voie de transit pour des groupes en provenance du Moyen-Orient, par la Biélorussie et les pays baltes alors que les conflits se poursuivent dans ces zones.
L’espace Schengen menacé ?
Dans un contexte de polarisation des débats sur la question migratoire, la décision polonaise fait écho aux critiques formulées à l’encontre de l’Allemagne. Le ministère de l’Intérieur polonais affirme que Berlin aurait « modifié ses pratiques aux frontières sans concertation », contribuant à une asymétrie dans la gestion des flux. À l’est, la Lituanie et la Lettonie, déjà visées par des procédures devant la Cour européenne des droits de l’homme, sont accusées de laxisme.
Mais cette réactivation des contrôles suscite la réprobation d’une partie de l’Union. Dans un communiqué commun publié le 6 juillet, l’organisation JEF Europe alerte : « Stop au démantèlement de Schengen », appelant à mettre fin aux mesures qui fragmentent la liberté de circulation garantie par les accords de 1985 (jef.eu, 06/07/2025).
Quelle portée réelle pour les voyageurs et l’espace Schengen ?
Concrètement, les citoyens européens devront présenter leurs papiers à la frontière et pourraient être soumis à des contrôles renforcés. Les autorités polonaises précisent que ces mesures n’impliquent pas de fermeture physique des frontières, mais une vérification systématique des flux, en particulier des autocars, minibus et convois soupçonnés de transporter des migrants sans titre légal.
Le gouvernement s’appuie sur l’article 25 du Code frontières Schengen (Règlement UE 2016/399), qui autorise un rétablissement temporaire des contrôles pour une durée de six mois maximum, renouvelable dans certaines conditions. La Commission européenne a été notifiée dans les délais, conformément aux règles, même si elle ne dispose d’aucun droit de veto.
L’impact logistique s’annonce limité, mais le signal envoyé à l’Europe est fort. Il intervient dans un climat de résurgence nationaliste et de débats internes sur la réforme de Schengen, toujours à l’arrêt malgré les alertes répétées sur sa fragmentation progressive.
La libre circulation fissurée : symbole d’un déséquilibre croissant
Cette décision n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une série d’initiatives similaires prises ces dernières années par d’autres États membres : l’Autriche avec la Slovénie, la France avec l’Italie, l’Allemagne avec la République tchèque. Tous invoquent des raisons de sécurité, de terrorisme ou d’immigration illégale.
Mais la récurrence de ces décisions remet en cause le principe même de Schengen. En restaurant les frontières internes sans réelle coordination européenne, chaque pays tend à re-nationaliser la gestion de la mobilité. Le cas polonais souligne cette tendance : une riposte à une gestion jugée déséquilibrée, mais aussi un positionnement politique affirmé face à Bruxelles et à Berlin. La fracture est là. Visible. Et durable, si aucun mécanisme de régulation commun ne permet de réconcilier sécurité intérieure et libre circulation.