Les entreprises du CAC 40 n’ont plus vraiment le choix : la féminisation de leurs effectifs s’impose comme une tendance de fond, portée par des lois et des attentes sociétales croissantes. Mais au-delà de l’obligation, quel est l’impact réel de cette évolution sur la performance des entreprises ? Productivité, rentabilité, responsabilité sociétale : la mixité ne se limite plus à une question d’image, elle devient un atout stratégique.
Féminisation des effectifs du CAC 40 : un levier de rentabilité et de performance ?

Au 1er janvier 2024, 39,85 % des effectifs des instance de gouvernance des entreprises du CAC 40 sont féminins, selon l'Observatoire SKEMA de la féminisation des entreprises, dont l'étude porte sur des données collectées entre 2008 et 2024. Un chiffre en progression, mais qui masque encore de fortes disparités entre les secteurs et les niveaux hiérarchiques. La féminisation n'est plus uniquement une question d'égalité, elle devient un levier de compétitivité et de performance. Rentabilité accumulée, meilleure gestion des risques, attractivité des talents : les entreprises où les femmes occupent une place significative ne s'en sortent pas seulement mieux sur le papier, elles sont aussi perçues comme plus solides par les investisseurs. Alors, la mixité serait-elle devenue un critère de succès économique ?
Un impact direct sur la rentabilité des entreprises
D'après les données de l'Observatoire SKEMA, les entreprises du CAC 40 qui comptent le plus de femmes dans leurs effectifs affichent des performances économiques supérieures à celles qui peinent à se féminiser.
Des chiffres qui parlent d'eux-mêmes
L'étude révèle une corrélation nette entre la proportion de femmes et la rentabilité opérationnelle :
- Les entreprises du CAC 40 où les femmes représentent plus de 60 % des effectifs affichent une rentabilité de 21,33 %.
- Celles où les effectifs féminins sont sous les 20 % plafonnent à 7,59 %.
- Le coefficient de corrélation entre féminisation et rentabilité 0,5180, confirmant l'impact positif de la mixité.
Si certaines entreprises peinent encore à diversifier leurs effectifs, d'autres ont compris que recruter des femmes, c'est aussi investir dans la performance. Cette dynamique se retrouve également dans les indices boursiers : les sociétés où la part de femmes est plus élevée affiche un PER (Price Earning Ratio) supérieur (26,11 contre 14,64), signalant des perspectives de croissance plus solides.
Pourquoi cet effet sur la rentabilité ?
Plusieurs explications permettent de comprendre cet avantage économique :
- Accès à un vivier de talents élargis : en intégrant davantage de femmes, les entreprises optimisent leurs recrutements et maximisent leurs chances de trouver les meilleures compétences.
- Meilleure stabilité des effectifs : les femmes ont un taux de démission inférieur à celui des hommes, ce qui réduit le turnover et les coûts de formation.
- Diversité des points de vue : des équipes plus mixtes apportent des approches différentes, favorisant l'innovation et la prise de décision.
Une meilleure gestion des risques sociaux et environnementaux
Au-delà des performances financières, la féminisation des effectifs influence aussi la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), un critère désormais scruté par les investisseurs et les parties prenantes.
Un risque ESG réduit grâce à la mixité
Les entreprises du CAC 40 qui comptent le plus de femmes sont aussi celles qui affichent les meilleurs scores en matière de responsabilité sociale et environnementale :
- Les risques RSE sont 35,40 % inférieurs dans les entreprises les plus féminisées.
- Les risques environnementaux sont réduits de 79,65 % par rapport aux entreprises les moins féminisées.
- Les investisseurs perçoivent ces entreprises comme plus sûres, avec un bêta de 0,92 contre 1,34 pour les entreprises les moins féminisées.
Ce lien entre mixité et responsabilité sociétale s'explique par plusieurs facteurs :
- Une gouvernance plus équilibrée, qui réduit les prises de risques excessifs et favorise la durabilité des décisions.
- Une sensibilité accrue aux enjeux sociaux, ce qui améliore la perception des entreprises auprès des consommateurs et des investisseurs.
- Un impact positif sur l'image de marque, rendant ces entreprises plus attractives pour les talents et les partenaires commerciaux.
Un atout pour l'attractivité des entreprises
Les nouvelles générations de travailleurs accordent une importance croissante aux politiques de diversité et d'inclusion. Une entreprise qui valorise la mixité envoie un signal positif à ses futurs employés, renforçant son attractivité et sa capacité à recruter les meilleurs profils. Dans un contexte de pénurie de talents, cet avantage peut faire toute la différence.
La féminisation, un levier stratégique sous-exploité ?
Si les chiffres montrent l'impact positif de la mixité, la réalité est plus nuancée. Certaines entreprises du CAC 40 ont compris l'enjeu et accélèrent leur transformation, tandis que d'autres restent à la traîne, freinées par des stéréotypes ou des résistances culturelles.
Les entreprises championnes de la féminisation
Certaines sociétés du CAC 40 sont particulièrement avancées en matière de diversité :
- Accor, Kering, Pernod Ricard et Engie dépassent les 40 % de femmes au Comex (Comité exécutif).
- Schneider Electric et Société Générale comptent le plus grand nombre de femmes au sein de leur direction.
- Les entreprises comme L'Oréal, Hermès et BNP Paribas ont des effectifs globalement très féminisés.
Ces entreprises montrent qu'il est possible d'intégrer la mixité à tous les niveaux sans nuire à la performance, bien au contraire.
Les résistances persistent
D'autres entreprises du CAC 40 restent réfractaires à cette évolution. L'Observatoire SKEMA identifie encore des zones de forte inégalité :
- EssilorLuxottica n'a aucune femme au Comex.
- Airbus, Renault et TotalEnergies affichent des taux de féminisation très faibles.
- Certaines entreprises compensent par des recrutements externes plutôt que par de vraies promotions internes, limitant les perspectives d'évolution des femmes.
Les quotas imposés par la loi Rixain (40 % de femmes dans le Comex en 2029) devraient accélérer le mouvement, mais la question de l'égalité des opportunités reste entière.