Emploi à domicile : 2 Français sur 5 jugent acceptable le travail au noir

Tandis que le gouvernement envisage de revoir les avantages fiscaux liés aux services à la personne, une étude révèle l’ampleur du travail non déclaré dans ce secteur. Derrière les chiffres, c’est toute une économie parallèle, fragilisante et inégalitaire, qui persiste.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 17 juin 2025 9h04
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50%Un Français sur deux ignore que le crédit d’impôt permet de récupérer 50 % des sommes versées

Selon une enquête réalisée par l’institut .becoming pour Oui Care et dévoilée le 17 juin 2025, 48 % des prestations à domicile réalisées en France en 2025 ne sont toujours pas déclarées. Si ce taux a reculé de quatre points depuis 2022, le phénomène demeure structurel. Il révèle une économie dissimulée, portée par des pratiques récurrentes, et reflète un déséquilibre chronique dans l’application des dispositifs fiscaux.

Malgré la mise en place de l'avance immédiate du crédit d'impôt depuis plus de trois ans, seuls 50 % des Français en connaissent l'existence, et parmi eux, seule une minorité maîtrise le montant du remboursement. Ce déficit d’information, nourri par des idées fausses sur la fiscalité et amplifié par des débats budgétaires récurrents, alimente une confusion durable. Le flou administratif entretient les pratiques informelles.

Le crédit d’impôt pour l’aide à domicile sur la sellette

La suppression ou la réduction du crédit d’impôt est l’une des hypothèses actuellement sur la table de Bercy. D’après le ministère des Comptes publics, cette « niche fiscale » représente 6,8 milliards d’euros pour l’État en 2025. Si la ministre Amélie de Montchalin a assuré que le crédit d’impôt pour la garde d’enfants ou l’aide aux personnes âgées ne serait pas supprimé, elle n’a pas exclu une réduction du périmètre ou du taux de remboursement pour les autres types de prestations.

Cette perspective suscite l’inquiétude : 84 % des Français interrogés pour Oui Care dans l'étude relayée par Le Figaro estiment qu’un affaiblissement du dispositif fiscal entraînerait une recrudescence du travail non déclaré. Parmi les usagers actuels des services à domicile, 41 % déclarent qu’ils diminueraient les heures confiées à leurs prestataires en cas de réduction fiscale. Plus grave encore, 23 % cesseraient totalement d’y avoir recours.

Le travail au noir est omniprésent en France dans les services à domicile

L’étude met en lumière une fracture entre types de prestations. Les services techniques et réguliers, tels que la garde d’enfants ou l’accompagnement des personnes âgées, ont enregistré une baisse significative du travail dissimulé (−12 et −11 points en trois ans).

En revanche, les services ponctuels ou perçus comme moins techniques – ménage, bricolage, petits travaux – restent massivement non déclarés. L’absence d’intermédiation, la fréquence aléatoire des prestations et la banalisation des arrangements entre particuliers contribuent à cette persistance. Le bricolage, souvent rémunéré de la main à la main, illustre une zone grise structurelle du marché du travail.

Ne pas déclarer ses employés : acceptable pour 4 Français sur 10

La majorité des Français ont conscience des conséquences du travail au noir. D’après l’enquête de Oui Care, 93 % savent qu’un salarié non déclaré perd l’accès à ses droits sociaux : retraite, assurance maladie, chômage. Pourtant, 43 % considèrent encore le non-déclaré comme une solution économique acceptable. Autre donnée frappante : 60 % des sondés estiment que le travail au noir freine la liberté des femmes.

« Chaque année, le crédit d’impôt fait l’objet de débats budgétaires, alors même que les Français le perçoivent clairement comme un outil efficace contre le travail dissimulé. Ce qu’il est. Supprimer ou affaiblir ce dispositif conduirait à décourager le recours au travail déclaré et contraindrait, pour des raisons économiques, les clients à basculer tout ou partie de leur consommation vers le travail dissimulé, malgré les risques et inconvénients relativement bien connus de celui-ci. Au final, cela accentuerait les inégalités sociales et les premières victimes seraient les salariés de ce secteur », a déclaré Guillaume Richard, PDG du groupe Oui Care, dans un communiqué publié le 17 juin 2025.

Cette prise de position s’accompagne d’un appel à une communication claire et pédagogique. En effet, un Français sur deux ignore que le crédit d’impôt permet de récupérer 50 % des sommes versées, et beaucoup ne savent toujours pas que l’avance immédiate est opérationnelle.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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