Energie : La canicule oblige (déjà) EDF à mettre des centrales nucléaires à l’arrêt

À mesure que la chaleur grimpe, un signal inquiétant se précise dans les centrales. Une annonce d’EDF réveille les craintes d’un été sous tension énergétique. Et surtout d’un futur où les centrales nucléaires pourraient bien être mises à l’arrêt très souvent…

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 20 juin 2025 7h00
Électricité nucléaire : EDF prévoit une hausse de production pour 2025 et 2026
Électricité nucléaire : EDF prévoit une hausse de production pour 2025 et 2026 - © Economie Matin
86,9%Le nucléaire représente 86,9 % de la production d'électricité d'EDF

Le 19 juin 2025, alors que Météo-France déclenchait une vigilance orange « canicule » sur seize départements, l’énergéticien français EDF a publié une alerte de production concernant plusieurs de ses sites nucléaires. L'annonce intervient à l'approche d'un pic de chaleur inédit qui impactera directement le débit et la température du Rhône, ressource clé pour le refroidissement des réacteurs. Une situation révélatrice des tensions croissantes entre production nucléaire et dérèglement climatique.

EDF anticipe une baisse de production nucléaire à partir du 25 juin 2025

Dans un message officiel publié le 19 juin, EDF a annoncé : « En raison des prévisions de températures élevées du Rhône, des restrictions de production sont susceptibles d’affecter le parc de production nucléaire d’EDF à partir du mercredi 25 juin, et plus particulièrement le site de Bugey », relaye Le Figaro.

Le Rhône, principal vecteur de refroidissement de plusieurs centrales, voit sa température croître dangereusement sous l’effet de la canicule. Ces hausses forcent EDF à limiter les rejets thermiques pour respecter les normes environnementales. Chaque centrale est soumise à des seuils précis de température et de débit, conçus pour préserver la faune aquatique. Lorsque ces limites sont dépassées, les réacteurs doivent réduire leur activité, voire être arrêtés temporairement.

Le réchauffement climatique fragilise la robustesse des centrales

Cette situation n’a rien d’exceptionnel. Elle s’est déjà produite à plusieurs reprises ces dernières années, notamment en 2018, 2019 et 2022. Le phénomène est désormais intégré dans la stratégie opérationnelle d’EDF. Selon le groupe, « les pertes de production nucléaire pour des causes environnementales (température élevée et faible débit des fleuves) ont représenté en moyenne 0,3 % de la production annuelle du parc nucléaire depuis 2000 », souligne Libération

Mais cette moyenne, relativement faible, pourrait évoluer à mesure que les vagues de chaleur gagnent en intensité, en durée et en fréquence. EDF le reconnaît dans ses communications internes, et le lien entre changement climatique et tension sur les capacités nucléaires est désormais surveillé de près par la Commission de régulation de l’énergie.

Des centrales nucléaires à la merci de la température des fleuves

La centrale du Bugey, située dans l’Ain, est particulièrement concernée. Alimentée par les eaux du Rhône, elle incarne les vulnérabilités techniques d’un modèle de production basé sur un équilibre thermique précis. Les réacteurs y pompent l’eau pour se refroidir, puis la rejettent réchauffée dans le cours d’eau. Si la température ambiante est trop élevée, ce cycle devient critique : l’eau rejetée ne doit pas dépasser un seuil pour éviter de tuer les espèces aquatiques ou de déséquilibrer l’écosystème local. Ce type de contrainte touche également les sites de Saint-Alban et Tricastin. En 2018, les deux réacteurs de Saint-Alban avaient été mis à l’arrêt pour les mêmes raisons.

Vers une redéfinition du modèle énergétique face au climat ?

La répétition de ces épisodes interroge. Peut-on continuer à fonder notre sécurité énergétique sur un parc nucléaire sensible aux aléas climatiques ? EDF tente d’anticiper : simulations, améliorations techniques, scénarios d’ajustement sont en cours d’élaboration. Mais la marge de manœuvre reste limitée.

Ces contraintes interviennent alors que la demande en électricité explose, notamment en période de canicule, du fait de la climatisation massive et des pics de consommation. Une situation paradoxale où l’on consomme plus... alors que la capacité de production s’amenuise.

L’annonce d’EDF sur les baisses de production à partir du 25 juin 2025 agit comme un révélateur : le parc nucléaire français, fleuron de l’indépendance énergétique, n’est pas à l’abri des caprices climatiques. L’équation s’annonce de plus en plus complexe. Et l’été ne fait que commencer.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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