La célèbre marque d’eau gazeuse Perrier traverse une période de turbulences après la découverte de plusieurs contaminations sur son site de production. Une série de mesures sanitaires et judiciaires sont désormais engagées, alors que les autorités s’interrogent sur l’avenir de son label « eau minérale naturelle ».
Eaux contaminées : Perrier pourrait perdre son label « eau minérale naturelle »

Le 18 avril 2025, la cellule investigation de Radio France a révélé que de nouvelles contaminations ont été identifiées dans l’usine Perrier située à Vergèze, dans le Gard. Selon les éléments publiés par France Info, des bactéries pathogènes ont été détectées dans plusieurs lots de bouteilles. L’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie recommande désormais au préfet du Gard de retirer à la marque son autorisation de commercialiser une eau minérale naturelle.
Contaminations détectées sur le site de Vergèze
D’après les documents consultés par France Info, les contaminations concernent notamment des bouteilles de 75 centilitres, dans lesquelles des entérobactéries ont été retrouvées. Ces bactéries, d’origine intestinale, sont considérées comme pathogènes. Deux autres épisodes de contamination ont été signalés récemment sur des bouteilles de 50 centilitres. Nestlé, propriétaire de la marque Perrier, affirme que les produits concernés n’ont pas été commercialisés et que plusieurs centaines de milliers de bouteilles sont actuellement bloquées. Leur destruction est envisagée par les autorités sanitaires.
Ces événements s’ajoutent à un précédent épisode datant de 2024, au cours duquel plus de deux millions de bouteilles avaient été détruites à la suite de la découverte de traces de matières fécales dans l’un des puits d’extraction.
Signalement tardif des anomalies et réactions de l’ARS
L’ARS d’Occitanie reproche à Nestlé d’avoir signalé ces anomalies avec retard. La détection d’entérobactéries dans les bouteilles de 75 cl remonte au 11 mars 2025, mais l’ARS n’en a été informée que dix jours plus tard. Pour les bouteilles de 50 cl, l’écart de signalement était également de plusieurs jours. Selon le Code de la santé publique, tout incident pouvant avoir une incidence sur la santé publique doit être communiqué immédiatement aux autorités.
Ces retards de communication sont jugés préoccupants dans un contexte où la qualité sanitaire de l’eau constitue un critère central pour le maintien de l’appellation « eau minérale naturelle ». Dans un rapport confidentiel, l’ARS d’Occitanie préconise de ne plus autoriser la production de ce type d’eau sur le site Perrier de Vergèze. Le préfet du Gard, Jérôme Bonet, doit prochainement se prononcer sur cette recommandation.
Le label de Perrier « eau minérale naturelle » en question
Selon les règles européennes et françaises, une eau minérale naturelle doit être microbiologiquement saine et ne subir aucun traitement chimique ni physique de désinfection. Or, des rapports techniques, notamment cités par France Bleu, indiquent que Nestlé utilise des microfiltres de 0,2 micron pour purifier son eau. Ces filtres, considérés comme insuffisants pour éliminer certaines bactéries et virus, sont interdits pour les eaux minérales naturelles.
L’usage de ces techniques de filtration, tolérées temporairement en vertu d’une dérogation accordée en février 2023, remet en cause la conformité de l’eau produite à Vergèze avec les exigences du label. Plusieurs rapports sanitaires évoquent des épisodes de contamination malgré l’existence de ces filtres, dont l’efficacité est jugée partielle.
Si l’agrément venait à être retiré, la marque Perrier ne pourrait plus commercialiser son produit sous l’appellation « eau minérale naturelle ». Elle devrait alors repositionner sa production en tant qu’eau de boisson ou eau de source, catégories moins strictes sur le plan réglementaire, mais aussi moins valorisées commercialement.
Réactions judiciaires et perspectives industrielles
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a saisi la justice, évoquant des « pratiques pouvant relever d’infractions pénales ». Une information judiciaire a été ouverte en février 2025 par le parquet de Paris. Elle fait suite à une plainte de l’association Foodwatch concernant l’utilisation de procédés de traitement non autorisés pour des eaux présentées comme naturelles.
Le groupe Nestlé a réagi en assurant que les produits mis sur le marché étaient sûrs, et que les blocages de bouteilles faisaient partie de mesures internes de qualité. La société affirmerait que ces mesures « sont indépendantes de la qualité de l’eau au forage ». Sollicitée, la préfecture du Gard n’a pour l’instant pas fait de déclaration officielle.
Enjeux pour les consommateurs et la filière
La perte du label « eau minérale naturelle » aurait des conséquences à la fois économiques et sanitaires pour Perrier. Pour les consommateurs, ce label est synonyme d’un haut niveau de pureté et de sécurité. Sa disparition pourrait susciter des inquiétudes quant à la qualité réelle des produits vendus. Pour l’entreprise, cela représenterait un impact commercial significatif, avec une baisse probable de la valeur ajoutée du produit sur les marchés français et internationaux.
Ce dossier, par son ampleur et ses ramifications multiples, relance également le débat sur la régulation des pratiques industrielles dans le secteur de l’eau embouteillée, et sur le rôle des pouvoirs publics dans le contrôle sanitaire de cette ressource. Le suivi de la décision préfectorale à venir sera déterminant pour l’avenir du site de Vergèze et de la marque Perrier.